La gestion du risque médical: le point de vue de l'assureur
Auteur | Christian Sicot |
Occupation de l'auteur | Secrétaire général, Le Sou médical groupe MACSF. |
Pages | 65-78 |
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Primum non nocere
est une des règles déontologiques les plus anciennes de l'exercice de la médecine puisqu'elle remonte à Hippocrate. Et pourtant, au cours des deux dernières décennies, le nombre d'accidents médicaux signalés aux assureurs spécialisés a significativement augmenté. Pour Le Sou médical groupe MACSF qui assure 116 000 médecins dont 71 000 exerçant en libéral, soit 70 % des médecins français et 70 % de ceux exerçant en libéral, la sinistralité (déclarations de dommages corporels/an/100 sociétaires) était multipliée par 2,32 de 1985 à 2004, passant de 0,77 à 1,79 déclarations/an/100 médecins, toutes spécialités et modes d'exercice confondus (libéral et salarié) (figure 1).
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Figure 1 - Évolution de la sinistralité (déclarations de dommages corporels/an/100 médecins) (toutes spécialités et modes d'exercice confondus) (Sou médical: 1985- 2004).
NB: en raison d'une modification de la gestion des déclarations de sinistre intervenue courant 2001, la période d'activité prise en compte pour 2001 n'est pas de 12 mois mais de 11 mois.
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Figure 2 - Déclarations de dommages corporels. Personnes non satisfaites (plainte et/ ou réclamation) et déclarations de prudence (adressées par des médecins, en l'absence de plainte ou de réclamation (en %) (Sou médical groupe MACSF: 1994-2002).
Cette augmentation s'est essentiellement produite entre 1989 et 1997, notamment à la fin de cette période. L'évolution de la sinistralité globale semble depuis 1998, plus stable, avec toutefois une réserve importante: au cours de la dernière décennie (1994-2004) le pourcentage de déclarations de prudence (en l'absence de plainte ou de réclamation des malades ou de leurs proches) n'a cessé de diminuer passant de 36 à 1,8 % avec comme corollaire, une progression des déclarations émanant de personnes non satisfaites (figure 2). La proportion de déclarations de prudence est toutefois très différente d'une spécialité à l'autre (de 0 à 7 %).
La sinistralité des médecins libéraux évolue parallèlement à la sinistralité globale (tous exercices confondus) mais à un niveau plus élevé (2,58 déclarations/ an/100 médecins libéraux quelle que soit la spécialité en 2004) (figure 3). L'explication en est que, si les médecins libéraux adhérents du Sou médical groupe MACSF adressent à leur assureur la totalité des plaintes ou des réclamations les concernant, en revanche, les sociétaires exerçant à l'hôpital public et en secteur public ne font habituellement appel au Sou médical groupe MACSF que s'ils risquent d'être (ou sont) l'objet d'une plainte pénale. En effet, c'est l'assureur de l'établissement qui prend en charge l'indemnisation des accidents survenus dans les hôpitaux publics, même en cas de faute médicale à condition que celle-ci ne soit pas détachable de la fonction. Il existe toutefois d'importantes variations de la sinistralité des médecins libéraux en fonction de la spécialité qu'ils exercent puisque l'échelle va de 0,71/an/100 psychiatres à 49,4/an/100 chirurgiens (figure 4). Certes le risque d'accident médical comparé à l'activité médicale reste très faible. Globalement, on estime que les 120 000 médecins libéraux français effectuent environ chaque année 400 millions d'actes, soit 4 200 actes/an/médecin libéral. En 2004, la sinistralité des médecins libéraux était, globalement, de 2,58 décla- rations d'accident corporel pour 100 médecins, soit 2,58 accidents corporels pour 420 000 actes pratiqués, autrement dit, 6 accidents par million d'actes pratiqués.
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Figure 3 - Comparaison de l'évolution de la sinistralité globale (tous modes d'exercice confondus) et de la sinistralité des médecins libéraux (Sou médical groupe MACSF: 1997-2004) (toutes spécialités confondues).
NB: en raison d'une modification de la gestion des déclarations de sinistre intervenue courant 2001, la période d'activité prise en compte pour 2001 n'est pas de 12 mois mais de 11 mois.
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Figure 4 - Sinistralité (déclarations de dommages corporels/an/100 médecins) en fonction de la spécialité (Sou médical groupe MACSF 2004: exercice libéral).
En revanche, le risque d'être mis en cause pour un médecin libéral, compte tenu des sinistralités enregistrées par les différentes spécialités, est loin d'être exceptionnel. Actuellement la sinistralité des médecins libéraux étant de 50 déclarations/ an/100 chirurgiens (figure 4), cela signifie que dans un groupe de 100 chirurgiens qui commenceraient actuellement leur exercice et l'achèveraient 35 ans plus tard, délai habituel d'une carrière médicale, il y aura eu, à sinistralité constante, près de 1 750 mises en cause (50 × 35). Autrement dit, chaque chirurgien libéral doit s'attendre à être mis en cause plus de 17 fois au cours de sa carrière (sans préjuger évidemment du risque de condamnation) (figure 5).
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Figure 5 - Mises en cause prévisibles au bout de 35 ans de carrière en fonction de la spécialité (Sou médical groupe MACSF 2004: exercice libéral).
Mais le fait majeur concernant la responsabilité professionnelle des médecins libéraux est le coût actuel des accidents fautifs dans certaines spécialités. Il est bien connu que les trois spécialités où le risque médico-légal est le plus élevé sont: l'anesthésie-réanimation, la chirurgie et l'obstétrique. C'est déjà attesté par le taux de sinistralité, ces trois spécialités occupant les premières places (figure 4). Mais, c'est surtout préoccupant en ce qui concerne le coût des accidents reconnus fautifs dans chacune de ces spécialités. Au cours de l'année 2004, 217 des 454 médecins sociétaires du Sou médical groupe MACSF mis en cause devant les juridictions civiles ont été condamnés, soit 48 %. Parmi eux, 249 appartenaient à l'une des trois spécialités précédentes et 130 ont été condamnés, soit 52 % (tableau 1). Le coût de ces indemnisations a atteint 33 395 954 E dont 26 842 780 E (80,4 % du total) pour les trois spécialités déjà citées avec la répartition suivante: anesthésie-réanimation (4,9 %), chirurgie (18,8 %), obstétrique (56,7 %). Il est à rappeler que ces trois spécialités représentent moins de 5 % des sociétaires libéraux assurés par le Sou médical groupe MACSF. Si actuellement on peut espérer que le risque en anesthésie-réanimation est en voie de contrôle avec des primes annuelles de 5 à 6 000 E, en revanche, celui de la chirurgie générale ne peut être contrôlé qu'avec des primes dépassant 15 000 E; en revanche le risque de l'obstétrique ne peut être maîtrisé malgré des primes atteignant 20 000 E, le double de cette somme étant nécessaire pour équilibrer le rapport prime/sinistre. Il faut rappeler que le montant des indemnisations à verser à la suite des condamnations prononcées en 2004 à l'encontre d'obstétriciens libéraux est de près de 19 ME alors que le nombre de sociétaires obstétriciens assurés par le Sou médical groupe MACSF était en 2004 de 500. La particularité de l'obstétrique par rapport à la chirurgie est que le nombre de sinistres dépassant 100 000 E est moins élevé...
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