Les diagnostics immobiliers : Un état des lieux

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Une étude réalisée Gwénaëlle Durand-Pasquier Maître de conférences à l'Université de Rennes I
Prolifération des textes, complexification du droit, dégradation de qualité de la norme, la législation française prête actuellement le flanc à la critique. Quinze ans après le rapport Chandernagor, le Conseil d'Etat consacrait une nouvelle fois son rapport 2006 à la dénonciation de l'inflation législative (1) . Signe des temps, ces reproches s'inscrivent au coeur d'un mouvement général de réflexion consacré à la légistique (2) . La période paraît, par suite, particulièrement propice pour dresser un premier bilan de la réglementation relative aux diagnostics immobiliers. Durant le cours de l'année 2006 et le début de cette année 2007, nombre de textes ont été promulgués en effet, qui sont venus ajouter, préciser ou encore réformer la réglementation pourtant récente des diagnostics immobiliers. Consécutivement à l'adoption des premiers décrets d'application (3) de l'ordonnance du 8 juin 2005 (4) , ce texte a ainsi lui-même été ratifié et précisé par la désormais fameuse Loi d'Engagement National pour le Logement du 13 juin 2006 (5) . La Loi sur l'eau et les milieux aquatiques, promulguée le 30 décembre dernier (6) , a finalement instauré un diagnostic inédit.
La question transparaît alors : cette richesse quantitative a-t-elle été accompagnée d'une amélioration qualitative de la réglementation relative aux diagnostics immobiliers ? L'interrogation mérite d'être soulevée. Cela, d'autant que malgré l'impulsion communautaire qui sous-tend certaines de ces exigences légales, celles-ci expriment encore, de part leur nombre notamment, une certaine particularité à la Française (7) . Or, l'heure est également à l'évaluation et à la concurrence des droits internes sur un plan international (8) . Pour autant, il serait par trop hâtif de considérer notre droit interne comme particulièrement protecteur de l'acquéreur immobilier. Si la transparence du contrat de vente d'immeuble constituait bien l'un des objectifs poursuivis, il est permis de douter de sa réussite. La raison est double. D'une part, la réglementation des diagnostics immobiliers participe d'un mouvement propre à illustrer ce que le Doyen Carbonnier aimait à qualifier « d'atomisation du droit » (9) . Certes, l'ordonnance du 8 juin 2005 a programmé la réunion matérielle de tous les documents requis lors d'une transaction immobilière au sein d'un dossier unique, qualifié de « dossier de diagnostic technique » et exigible à compter du 1er novembre 2007. De même, un effort a été réalisé au plan de la codification. Une liste exhaustive des diagnostics figure à l'article L 271-4 du CCH (10) . Cependant, cette rationalisation sur la forme masque une dispersion au fond des exigences légales et réglementaires. Il y a lieu notamment à une véritable application distributive de la réglementation de chacun des diagnostics dans le temps. D'autre part, certains silences du législateur obscurcissent la réglementation en place ou destinée à entrer en vigueur le premier novembre prochain. L'incertitude attrait notamment aux mesures sanctionnant le défaut de fourniture des documents. Et l'écueil rejailli alors sur les contours mal définis de la responsabilité de différents professionnels concernés.
A l'heure où la sécurité juridique semble s'ériger comme un principe directeur du droit français (11) , la problématique mérite de ce fait d'être posée qui revient à éprouver sous ce prisme la réglementation relative aux diagnostics immobiliers. Le bilan s'avère alors des plus contrasté. Apparaît, en premier lieu, une importante dispersion de l'application dans le temps des diagnostics (I), à laquelle succède, en second lieu, l'imperfection des sanctions de droit spécial envisagées (II).
@I. La dispersion de l'application dans le temps des diagnostics
L'étude de l'application dans le temps des diagnostics montre que le mouvement s'est confirmé, qui avait déjà été dénoncé lors du Congrès des notaires de Deauville des 25 à 28 mai 2003 (12) : le contrat de vente, exemple topique des contrats instantanés, est devenu, s'agissant des immeubles, une véritable aventure chronologique. Pour ce qui relève des diagnostics, deux sources de difficultés apparaissent. Elles procèdent, d'une part, des dates d'exigibilité des documents (A). Elles résultent, d'autre part, des durées légales de validité de chaque diagnostic (B).
@@A. Les dates d'exigibilité des diagnostics : une uniformisation apparente
L'exigibilité de chaque diagnostic découle d'une combinaison de plusieurs facteurs. L'on en dénombre trois. Le premier renvoie à la période de la négociation à laquelle la présentation du document est requise. Sur ce point, la réglementation tend véritablement vers une harmonisation. Pour l'heure quelques disparités se font jour, qui isolent notamment la recherche d'amiante (13) . Celles-ci disparaîtront néanmoins avec l'entrée en vigueur du Dossier de diagnostic technique, le 1er novembre 2007. Pour ce dernier, l'article L 271-4 du CCH renvoie uniformément à la date de la promesse de vente. Ce n'est qu'à défaut de promesse que le document sera requis au jour de l'acte authentique. Reste que ce texte s'articule avec deux autres critères qui bouleversent cette uniformisation. Un second critère attrait effectivement à l'entrée en vigueur de la réglementation propre à chaque diagnostic. Or celle-ci est toute progressive. Ainsi, les classiques, relatifs à l'amiante, au plomb et aux termites, déjà applicables, ont été rejoints par l'état des risques naturels, en vigueur depuis le 1er juin 2006, et par le DPE, applicable aux ventes d'immeubles anciens conclues depuis le 1er novembre dernier (14) . L'exigibilité des autres diagnostics se trouve en revanche retardée. Il en va de la sorte des états de l'installation intérieure du gaz et de l'électricité, pour lesquels aucun décret d'application n'est paru. Quant au contrôle de l'installation d'assainissement non collectif, instauré par la loi sur l'eau, il n'est rendu obligatoire que pour les ventes intervenant après le 1er janvier 2013. S'ajoute, finalement à cette édification déjà complexe, une troisième série de critères fondés sur des données objectives, d'ordre géographique ou technique. Ainsi, le décret du 5 septembre 2006 exige un état parasitaire un jour après l'affichage en mairie de l'arrêté préfectoral délimitant les zones à risques (15) .
Ce cumul de critères soulève plusieurs difficultés. Se pose tout d'abord la question de l'opportunité de certains d'entre eux. Le zonage notamment, s'il se fonde indubitablement sur des considérations de fait, donne nécessairement à la réglementation une tonalité plus curative que préventive. Mais surtout, de ce cumul résulte une complexité source indéniable d'insécurité juridique. Et, celle-ci est à même de rejaillir sur la responsabilité des professionnels intervenant au contrat de vente. Pour ce qui est du notaire plus particulièrement, la réglementation en vigueur est source d'obligations. Garant de l'efficacité de l'acte qu'il instrumente, le notaire supporte à l'évidence l'obligation de s'assurer de la présence de tous les documents requis. Cependant, ses engagements pourraient s'étendre au-delà. A défaut de courant prétorien établi, la jeunesse des textes cantonne à un raisonnement exclusivement par analogie. Reste que selon une jurisprudence constante, le notaire supporte un devoir de conseil exacerbé. Celui-ci est dû tant à l'égard des clients de son étude que vis à vis des autres parties à l'acte (16) , et ceci aussi bien lors de la rédaction d'un acte authentique qu'à l'occasion d'une simple participation à un sous seing privé. Par suite, la responsabilité du notaire pourrait se voir engagée, au cas où ce dernier aurait tu une information pourtant non encore exigible. Cette perspective concerne notamment les installations d'assainissement. Ce diagnostic a effectivement pour objet un contrôle opéré par les communes. Or celles-ci, qui ont jusqu'au 31 décembre 2012 pour y procéder, peuvent d'ores et déjà s'y être soumises. Par suite, si la preuve est rapportée que le notaire avait connaissance de cette information, la jurisprudence retiendra probablement sa responsabilité. Le devoir de conseil va au-delà de l'information exigée par la loi. Certaines décisions ont en effet déjà retenu la responsabilité...

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