Décision n° 01-40-20 du 19 mai 2022 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie portant sanction à l'encontre de la société Engie

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0146 du 25 juin 2022
Date de publication25 juin 2022
Record NumberJORFTEXT000045963607
CourtCOMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE
Enactment Date19 mai 2022


Le comité de règlement des différends et des sanctions (« le comité »),
Une saisine, introduite par le président de la Commission de régulation de l'énergie (« la CRE »), a été enregistrée le 25 février 2020, sous le numéro 01-40-20, à l'encontre de la société Engie.
Elle est relative au non-respect par la société Engie du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie (ci-après le « règlement REMIT »).


1. Procédure suivie par la Commission de régulation de l'énergie


Le 12 avril 2017, la CRE a reçu une déclaration de suspicion (« Suspicious Transaction Report » ou « STR ») concernant le comportement de la société Engie le 23 janvier 2017 et portant sur des produits infra-journaliers. A la suite de cette STR, la CRE a exercé sa mission de surveillance des marchés de gros de l'énergie.


1.1. Demande d'informations de la Commission de régulation de l'énergie dans le cadre de sa mission de surveillance des marchés de gros


Par lettre du 11 décembre 2017, la Commission de régulation de l'énergie a adressé à la société Engie une première demande d'informations en application des dispositions de l'article L. 134-18 du code de l'énergie.
La CRE demandait à la société Engie de lui fournir, dans les vingt jours à compter de la réception de cette lettre, notamment les ordres émis et les transactions réalisées pour livraison en France le 23 janvier 2017 via les marchés intermédiés et de gré à gré, des explications concernant certains ordres d'achat et transactions effectués sur le marché infra-journalier d'EPEX SPOT pour livraison en France le 23 janvier 2017 ainsi que des informations sur les communications téléphoniques et/ou écrites qui ont eu lieu entre les équipes concernées par les programmes de production des unités Cycofos et Combigolfe et les équipes en charge du trading, lors de cette même journée.
Par courrier électronique du 12 décembre 2017, la société Engie a demandé un délai supplémentaire pour sa réponse, qui lui a été accordé par courrier électronique du 14 décembre 2017 des services de la CRE.
Par courrier électronique du 22 décembre 2017, la société Engie a demandé des précisions sur la portée de la demande relative aux ordres émis et aux transactions réalisées pour livraison en France le 23 janvier 2017 via les marchés intermédiés et de gré à gré. Les services de la CRE lui ont répondu par courrier électronique du 9 janvier 2018, en lui confirmant que la demande portait, comme la société Engie le comprenait, sur tous les produits pour livraison en France le 23 janvier 2017 (tous horizons confondus, y compris crossborders et quel que soit le pays d'origine).
Par lettre du 30 janvier 2018, la société Engie a apporté les éléments en réponse à la première demande d'informations du 11 décembre 2017.
Par lettre du 5 septembre 2018, la CRE a adressé à la société Engie une seconde demande d'informations, portant notamment sur les communications écrites et téléphoniques entre les équipes en charge des opérations de marché (Trading), celles en charge de l'optimisation des actifs de production (Dispatch) et celles en charge de la production (Generation) lors de la journée du 23 janvier 2017 ainsi que sur les procédures internes encadrant les modalités d'interactions entre les équipe Dispatch et Trading au sein de la société Engie.
Par lettre du 5 octobre 2018, la société Engie a fourni les éléments en réponse à la seconde demande d'information du 5 septembre 2018. A l'occasion de cette réponse, la société Engie a également précisé que l'horodatage des enregistrements téléphoniques adressés à la CRE le 30 janvier 2018 était décalé d'environ 1 minute et 25 secondes en moins par rapport à l'heure réelle, du fait de l'absence de synchronisation automatique de la plateforme d'enregistrement des conversations téléphoniques Etrali avec l'heure atomique. Elle a, alors, fourni une liste des conversations téléphoniques avec l'horodatage rectifié.


1.2. Ouverture d'une enquête en application des dispositions de l'article L. 135-3 du code de l'énergie


A la suite de ces échanges, le 28 octobre 2019, en application des dispositions de l'article L. 135-3 du code de l'énergie (1), le président de la CRE a établi un ordre de mission désignant Monsieur Ouili Nana, chargé de mission habilité par décision du 8 octobre 2019 et en fonction au sein du département de la surveillance approfondie et des enquêtes, aux fins de procéder à l'enquête visant à établir si la société Engie s'était livrée, le 23 janvier 2017, à des pratiques susceptibles de constituer un manquement à l'article 3 du règlement REMIT.
L'ouverture de l'enquête, son objet ainsi que l'identité de l'agent chargé de procéder à cette enquête, (l'« agent enquêteur »), ont été notifiés à la directrice générale de la société Engie par une lettre du président de la CRE du 28 octobre 2019.


(1) Le premier alinéa de l'article L. 135-3 du code de l'énergie dispose : « Les agents de la Commission de régulation de l'énergie habilités à cet effet par le président procèdent aux enquêtes nécessaires pour l'accomplissement des missions confiées à la commission. »


1.3. Notification d'un procès-verbal pris en application des dispositions de l'article L. 135-12 du code de l'énergie


Conformément aux dispositions de l'article L. 135-12 du code de l'énergie, et au regard des éléments recueillis au cours de son enquête, l'agent enquêteur a établi le procès-verbal n° CRE-10-2019-ON du 4 décembre 2019.
Après y avoir présenté la procédure antérieure suivie par la CRE ainsi que le secteur et l'entreprise concernée, il a procédé à la description des faits ayant caractérisé le comportement suspect d'Engie à l'origine de l'ouverture de l'enquête.
L'agent enquêteur a considéré, après analyse des faits relevés, que la société Engie avait méconnu les dispositions de l'article 3, paragraphe 1, sous a et sous b du règlement REMIT, relatives à l'interdiction des opérations d'initiés, et a conclu de la manière suivante :
1. La communication de la prolongation de l'arrêt de l'unité de production de Combigolfe par l'équipe Dispatch à l'équipe Trading avant la publication de celle-ci sur le site de transparence d'Engie constitue un manquement aux dispositions de l'article 3(1)(b) du règlement REMIT ;
2. Le comportement d'Engie sur le marché infra-journalier lors de la journée du 23 janvier 2017, et notamment la réalisation de cinq transactions à des fins d'équilibrage sur EPEX SPOT pour les produits H11 et H12 entre 06:01:08 et 06:01:17, constitue un manquement aux dispositions de l'article 3(1)(a) du règlement REMIT ».
Ce procès-verbal a été notifié à la société Engie le 6 décembre 2019, cette dernière ayant été invitée, conformément à l'article L. 135-12 du code de l'énergie, à présenter ses observations dans un délai de 15 jours. Le 18 décembre 2019, l'agent enquêteur a fait droit à la demande de délai supplémentaire présentée par la société Engie et l'a invitée à adresser ses observations en réponse au plus tard le 31 janvier 2020.


1.4. Observations de la société Engie en réponse au procès-verbal


La société Engie a communiqué le 31 janvier 2020 ses observations écrites en réponse au procès-verbal n° CRE-10-2019-ON du 4 décembre 2019. Elle a également demandé à présenter des observations orales, demande à laquelle l'agent enquêteur a répondu le 20 février 2020 qu'une rencontre ne lui paraissait pas nécessaire.
Dans ses observations écrites, la société Engie souligne en substance qu'afin de se conformer au règlement REMIT, elle a mis en œuvre un modèle d'organisation reposant d'une part sur une stricte séparation entre les activités de production (Generation), et, d'autre part, les activités d'optimisation des actifs de production (Dispatch) et de Trading. Elle indique par ailleurs avoir mis en œuvre une procédure de traitement des informations privilégiées entre ces différentes activités, et aux termes de laquelle après communication de l'information privilégiée par Generation à Dispatch, Dispatch indique à Short Term Trading, par téléphone sur une ligne enregistrant les communications, d'arrêter toute activité de Trading en lien avec le marché concerné jusqu'à la publication de l'information privilégiée - laquelle va ainsi perdre cette nature - sur le site de transparence d'Engie (l'ordre est donné oralement par les termes « stop trading ! »). Toutefois et pour préparer les opérations de Short Term Trading à mettre en œuvre aussitôt que l'information privilégiée aura perdu cette nature par sa publication, cette procédure ne fait pas obstacle à la communication entre Dispatch (qui doit optimiser les actifs de production) et Short Term Trading des informations indispensables au rééquilibrage de la position d'Engie affectée par une indisponibilité d'un actif de production du groupe. Enfin, la société Engie relève qu'elle a mis en œuvre une politique de contrôle par des équipes de conformité du respect du traitement des informations privilégiées.
En réponse aux constats dressés dans le procès-verbal, la société Engie soutient, en premier lieu, que la communication en question de la prolongation de l'indisponibilité de Combigolfe par Dispatch s'inscrivait dans le cadre normal des fonctions des personnes concernées.
En effet, selon la société Engie, la communication de l'information en cause par un salarié de Dispatch à un salarié de Short Term Trading était strictement nécessaire à l'exercice de leur fonction respective pour que la société puisse se conformer à ses engagements d'équilibrage vis-à-vis de la société RTE et proportionnée à la réalisation de cet objectif : face aux indisponibilités de deux centrales, la société Engie devait envisager de racheter, par l'intermédiaire de Short Term Trading, des volumes disponibles sur le marché, dans les meilleurs délais.
La société Engie estime que cette communication a respecté le principe de proportionnalité, dans la mesure où, selon elle, l'ensemble des acteurs...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT