Cour d'appel de Paris, 21 octobre 2021, 20/115887

Case OutcomeDéboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Date21 octobre 2021
Docket Number20/115887
CourtCourt of Appeal (Paris)
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2021

(no 38, 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 20/11588 - No Portalis 35L7-V-B7E-CCG6G

Décision déférée à la Cour : décision no 2 - Procédure 2018-09 de l'Autorité des marchés financiers en date du 28 février 2020


REQUÉRANT :

M. [V] [X]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5]
de nationalité Chinoise
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]

Élisant domicile au cabinet de la SELARL LEXAVOUÉ PARIS-VERSAILLES
[Adresse 2]
[Localité 2]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUÉ PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assisté de Me Éric BOILLOT du cabinet ROSSI BORDES & ASSOCIÉS, avocat au barreau de Paris, toque : P 341


EN PRÉSENCE DE :

L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
[Adresse 1]
[Localité 1]

Représentée par Mme [L] [Y], dûment mandatée




COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 juin 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

– Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, présidente,
– Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre,
– Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre,

qui en ont délibéré.


GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis.


ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.


* * * * * * * *



Vu la décision no 2 du 28 février 2020 de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (procédure no 2018-09) ;

Vu la déclaration de recours enregistrée sous le RG no 20/11588 déposée au greffe de la Cour le 20 août 2020 par M. [X] ;

Vu le mémoire no1 comportant l'exposé des moyens déposé au greffe de la Cour le 4 septembre 2020 par M. [X] ;

Vu les observations écrites de l'Autorité des marchés financiers déposées au greffe de la Cour le 19 février 2021 ;

Vu le mémoire no 2 en réponse à ces observations, déposé au greffe de la Cour le 27 avril 2021 par M. [X] ;

Vu l'avis du ministère public du 4 juin 2021 communiqué le même jour aux parties ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 10 juin 2021 en leurs observations orales, le conseil de M. [X], le représentant de l'Autorité des marchés financiers ainsi que le ministère public, l'auteur du recours ayant été en mesure de répliquer.


*
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SOMMAIRE




FAITS ET PROCÉDURE4



MOTIVATION6



I. SUR LE CARACTÈRE PROBANT DU FAISCEAU D'INDICES RETENU PAR LA DÉCISION ATTAQUÉE POUR CONSIDÉRER QUE SEULE LA DÉTENTION D'UNE INFORMATION PRIVILÉGIÉE PERMETTAIT D'EXPLIQUER LES OPÉRATIONS DE M. YAO6


A. Sur le caractère atypique des achats de titres Club Med effectués par Monsieur [X] au regard de ses habitudes d'investissement7

B. Sur les relations professionnelles entre M. [X] et Mme [H]8

C. Sur le moment de l'investissement et les justifications avancées 10



II. SUR LA SANCTION PRONONCÉE À L'ENCONTRE DE M. YAO14



III. SUR L'ANONYMISATION DE LA DÉCISION16



IV. SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES17



*
* *













FAITS ET PROCÉDURE



1.La société Club Méditerranée (ci-après « Club Med ») est la société mère d'un groupe spécialisé dans l'exploitation de villages de vacances haut de gamme, dont les actions étaient, à l'époque des faits, admises à la négociation sur le compartiment B d'Euronext Paris.

2.Par un communiqué du 27 mai 2013, les sociétés Fosun et Axa Private Equity (ci-après « AXA PE »), principaux actionnaires de Club Med, ont annoncé leur intention de déposer, conjointement avec la direction de cette dernière, un projet d'offre publique d'achat (ci-après « OPA ») « amicale » sur les titres Club Med, par l'intermédiaire de leur holding commune Gaillon Invest, au prix de 17 euros par action.

3.Le groupe chinois Fosun était actionnaire de la société Club Med depuis le 13 mai 2010 avec une participation de 7,1 % puis de 9,96 %. La clause contractuelle (dite de standstill) stipulée dans l'accord de partenariat conclu le 13 juin 2010, qui lui interdisait de prendre une participation supérieure à 10 %, avait expiré le 7 mars 2013.

4.Au cours de la période précédant l'annonce de l'OPA, la direction de surveillance des marchés de l'Autorité des marchés financiers (ci-après « l'AMF ») a identifié plusieurs opérations suspectes sur le titre.

5.Le 6 août 2013, une enquête a été ouverte par l'AMF portant sur « l'information financière et le marché du titre Club Méditerranée, ou tout instrument financier qui lui serait lié, à compter du 1er juillet 2012 ».

6.Pour les besoins de cette enquête, l'AMF a obtenu le concours des autorités de supervision hongkongaise, la Securities and Futures Commission (SFC), et chinoise, la China Securitises Regulatory Commission (CSRC).

7.L'enquête a donné lieu à un rapport daté du 1er décembre 2017 sur la base duquel le collège de l'AMF a, le 15 décembre 2017, décidé de notifier des griefs à :

– M. [X], directeur général de Forever Winner International Development Ltd (ci-après « FWI ») et directeur exécutif de la société Strong Petrochimical depuis 2008, qui exerce dans le domaine du trading de pétrole brut depuis 30 ans ;

– Mme [H], membre du conseil d'administration de la société Stong Petrochimical et administratrice non exécutive de la société chinoise de services financiers Tebon Securities Co Ltd (ci-après, « Tebon ») ;

– la société FWI.

8.Les notifications de griefs, accompagnées de leur traduction en mandarin, ont été adressées aux mis en cause le 16 juillet 2018.

9.Elles retiennent que l'information relative à « l'offre publique d'achat de Fosun et Axa PE sur les titres Club Med » revêtait « au plus tard le 10 avril 2013 » les caractéristiques d'une information privilégiée et reprochent aux mis en cause d'avoir manqué à leur obligation d'abstention d'utilisation de cette information privilégiée à l'occasion de leurs interventions sur le titre Club Med, dans une période contemporaine de l'OPA, en méconnaissance des dispositions des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF.

10.Il est ainsi reproché à :

– M. [X], d'avoir acquis, sur le fondement de cette information privilégiée, entre le 29 avril et le 7 mai 2013, 79 387 actions Club Med au cours moyen de 12,86 euros, lesquelles ont été cédées intégralement le 27 mai 2013, jour de l'annonce de l'OPA de Fosun et Axa PE, au cours moyen de 17,02 euros, occasionnant une plus-value de 323 941 euros ;

– la société FWI, d'avoir acquis sur le fondement de l'information privilégiée précitée et à l'initiative de son directeur général M. [X], les 29, 30 avril et 2 mai 2013, 70 000 actions Club Med à un cours moyen de 12,89 euros, lesquelles ont été cédées intégralement le jour de l'annonce de l'OPA, à un cours moyen de 17,01 euros, occasionnant une plus-value de 285 995 euros ;

– Mme [H], d'avoir acquis, sur le fondement de l'information privilégiée précitée, entre le 3 et le 22 mai 2013, 51 800 actions Club Med au cours moyen de 13,21 euros, lesquelles ont été cédées intégralement le jour de l'annonce de l'OPA, à un cours moyen de 17,01 euros, occasionnant une plus-value 196 095 de euros.

11.Ces notifications de griefs ont été transmises à la présidente de la Commission des sanctions, laquelle a désigné un rapporteur le 25 juillet 2018.

12.La Commission des sanctions de l'AMF (ci-après « la Commission des sanctions ») s'est prononcée le 28 février 2020 (ci-après « la décision attaquée »).

13.Elle s'est fondée sur un faisceau d'indices, desquels elle a déduit que « seule la détention de l'information privilégiée permettait d'expliquer les opérations de M. [X] » (paragraphe 60) et que, partant, le manquement d'initié était caractérisé. Elle avait préalablement examiné les justifications apportées par l'intéressé s'agissant de cet investissement et avait considéré qu'elles n'étaient pas convaincantes (paragraphes 58-59).

14.Elle a sanctionné M. [X] à hauteur d'un million d'euros au visa des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF (ci-après le « RGAMF »).

15.Elle a en outre ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'AMF et a fixé à cinq ans, à compter de la date de la décision, son maintien en ligne de manière non anonyme.

16.La Cour est saisie du seul recours de M. [X], lequel demande :

À titre principal :

– d'annuler la décision en ce qu'elle a considéré le grief notifié comme étant caractérisé, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire et ordonné la publication de la décision sous une forme non anonymisée le concernant ;

En conséquence et statuant à nouveau,

– de le mettre hors de cause ;

– d'ordonner la publication de la décision du 28 février 2020 sur le site de l'AMF sous une forme garantissant l'anonymat de l'intéressé ;

À titre subsidiaire :

– de juger que la sanction est disproportionnée ;

En conséquence,

– de réformer la décision attaquée en ce qui concerne le quantum de la sanction et le défaut d'anonymisation de la décision à son égard ;

– de juger que les circonstances ne sont pas de nature à justifier qu'une sanction lui soit infligée ;
– d'ordonner la publication de la décision du 28 février 2020 sur le site de l'AMF sous une forme garantissant l'anonymat de l'intéressé ;

En tout état de cause,

– de condamner l'AMF à lui verser la somme de 60 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

17.L'AMF et le ministère public invitent la Cour à rejeter le recours.


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MOTIVATION


18.À titre liminaire, la Cour précise, en premier lieu, ainsi que l'a relevé la décision attaquée, que les faits reprochés doivent être examinés à la...

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