Cour d'appel de Paris, 30 septembre 2021, 20/078467

Case OutcomeDéboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Date30 septembre 2021
Docket Number20/078467
CourtCourt of Appeal (Paris)
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2021

(no 37, 37 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 20/07846 - No Portalis 35L7-V-B7E-CB5H7

Décision déférée à la Cour : Décision no 20-D-08 de l'Autorité de la concurrence en date du 30 avril 2020


REQUÉRANTE :

[30] S.A.S.
Prise en la personne de son président, la société [26] S.A.S., elle-même prise en la personne de son président
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro [N° SIREN/SIRET 1]
Dont le siège est situé au [Adresse 2]

Élisant domicile au cabinet de l'AARPI TEYTAUD-SALEH
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Me Olivier FRÉGET et de Me Liliana ESKENAZI de l'AARPI FRÉGET-GLASER & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, toque : L0261



EN PRÉSENCE DE :

L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Prise en la personne de sa présidente en exercice
[Adresse 3]
[Localité 1]

Représentée par M. [N] [G], dûment mandaté


LE MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉCONOMIE
TÉLÉDOC 252 - D.G.C.C.R.F.
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représenté par M. [C] [K], dûment mandaté




COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 mai 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

– Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, présidente,
– Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre,
– Mme Sylvie TRÉARD, conseillère,

qui en ont délibéré.


GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, avocat général


ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire

* * * * * * * *


Vu la décision no 20-D-08 du 30 avril 2020 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de l'édition et de la commercialisation de chaînes de télévision ;

Vu la déclaration de recours contenant un exposé sommaire des moyens déposée par la société [30] au greffe le 24 juin 2020 ;

Vu l'exposé des moyens déposé par la société [30] au greffe le 29 juillet 2020 ;

Vu l'arrêt du 7 janvier 2021 de cette Cour qui a déclaré les sociétés [43], [42] et [28] irrecevables en leurs interventions volontaires accessoires ;

Vu les observations déposées par l'Autorité de la concurrence au greffe le 8 février 2021 ;

Vu les conclusions en réplique et récapitulatives déposées par la société [30] au greffe le 2 avril 2021 ;

Vu l'avis du ministère public du 17 mai 2021 transmis le même jour à la société [30], à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 20 mai 2021 en leurs observations orales, le conseil de la société [30], le représentant de l'Autorité et du ministre chargé de l'économie et le ministère public, l'auteur du recours ayant été en mesure de répliquer.

*
* *

SOMMAIRE



FAITS ET PROCÉDURE4


Le secteur concerné4

La réglementation applicable4

L'auteur de la saisine5

La saisine7

L'autorisation au titre du contrôle des concentrations de la création de Salto, sous réserve du respect d'engagements8

La décision attaquée 9



MOTIVATION9


I. SUR LA LÉGALITÉ EXTERNE DE LA DÉCISION9

A. Sur le refus allégué d'engager une procédure contradictoire et de faire application de l'article L.464-1 du code de commerce9

B. Sur la mise en oeuvre alléguée d'un pouvoir d'opportunité des poursuites14

C. Sur le défaut allégué de motivation de la décision15


II. SUR LA LÉGALITÉ INTERNE DE LA DÉCISION17

A. Sur le refus allégué d'analyser les pratiques des parties notifiantes à une opération de concentration à l'aune du droit des pratiques anticoncurrentielles17

B. Sur la position dominante alléguée détenue collectivement par [43], [27] et FTV20

1. Sur la définition des marchés pertinents20

2. Sur l'analyse de la position dominante collective22

3. Sur la dépendance économique alléguée de [30] vis-a-vis des groupes [43] et M624

4. Sur l'entente horizontale alléguée entre les groupes [43] et [27]
29

5. Sur la restriction verticale alléguée résultant de la volonté de [27] d'imposer une clause dite de « paywall »32



FAITS ET PROCÉDURE



1.La Cour est saisie du recours formé par la société [30] contre la décision de l'Autorité de la concurrence ( ci-après « l'Autorité ») qui, statuant sur la saisine de cette société dénonçant des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de l'édition et de la commercialisation de chaînes de la télévision, l'a rejetée au motif que les faits invoqués n'étaient pas appuyés d'éléments suffisamment probants.


Le secteur concerné

2.Selon l'analyse du secteur de la télévision faite par l'Autorité aux paragraphes 4 et suivants de la décision attaquée, et non contestée par les parties, ce secteur se compose traditionnellement de deux segments d'activités distinctes, la télévision payante et la télévision gratuite.

3.Les éditeurs de chaînes payantes proposent à la vente le droit de commercialiser leurs chaînes aux distributeurs, principalement des fournisseurs d'accès à internet (ci-après « [17] »). Ces derniers les distribuent sous forme de bouquets, accessibles par abonnement ou à la carte.

4.Les chaînes en clair sont distribuées gratuitement auprès des téléspectateurs et leurs éditeurs se financent pour l'essentiel par des recettes publicitaires.

5.La révolution numérique a modifié les usages dans le secteur de la télévision. De nouveaux opérateurs sont venus concurrencer les acteurs historiques en proposant des services permettant au consommateur d'accéder à une large offre de contenus. De plus, la diffusion linéaire sur téléviseur stagne alors que les contenus non linéaires (télévision de rattrapage et vidéo à la demande), principalement sur des écrans autres que le téléviseur, se développent.


La réglementation applicable

6.La loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (ci-après la « loi no 86-1067 ») encadre les relations entre les éditeurs des services de télévision, qui acquièrent des droits de diffusion de contenus ou produisent eux-mêmes leurs propres programmes, et les distributeurs, qui constituent des offres qu'ils mettent à la disposition des consommateurs.

7.Les obligations imposées aux éditeurs et aux distributeurs sont de trois ordres :

– un « service antenne » dénommé « must offer » par câble et satellite :

Prévue par les articles 34-1 et 98-1 de la loi no86-1067, la mise à disposition gratuite de l'offre de télévision numérique terrestre (ci-après « TNT ») nationale en clair vise principalement les publics des « zones blanches » ne pouvant recevoir la TNT par voie hertzienne terrestre et les habitats collectifs qui ne sont plus raccordés à une antenne.

– l'obligation « must carry » propre aux chaînes publiques :

Les articles 34-2 (relatif aux chaînes de [22], [1] et TV5 Monde) et 45-3 (relatif à La Chaîne Parlementaire) de la loi no 86-1067 imposent aux distributeurs de services de visionnage, lorsque ces derniers utilisent d'autres canaux de distribution que la « voie hertzienne terrestre en mode analogique », en l'occurrence la « voie hertzienne terrestre en mode numérique », de mettre gratuitement à disposition de leurs abonnés les services des chaînes gratuites publiques sans que ces chaînes ne puissent s'y s'opposer.

8.La question de l'étendue de cette obligation de reprise a été posée à l'occasion d'un différend entre [39], un distributeur de contenu over the top ou « OTT » (en ligne, sans l'intermédiation d'un FAI) et [22], qui s'opposait à la reprise de ses programmes par celui-ci. Dans une décision no 391519 du 24 juillet 2019, le Conseil d'État a jugé que l'article 34-2 de la loi no 86-1067 « subordonne (?) l'obligation de diffusion qu'il prévoit à la condition que la distribution de services soit destinée à des abonnés. Il résulte des dispositions de cet article, éclairées par les travaux préparatoires de la loi dont elles sont issues que, pour leur application, la notion d'abonnés doit s'entendre des utilisateurs liés au distributeur de services par un contrat commercial prévoyant le paiement d'un prix ».

9.Les chaînes publiques n'ont pas, en l'état de la réglementation, l'obligation de mettre à disposition des distributeurs les services et fonctionnalités, notamment le rattrapage, qui sont développés parallèlement aux flux linéaires.

– le droit d'accès dénommé « must deliver » des éditeurs de la [44] :

L'article 44-4 de la loi no86-1067 dispose :

« Sans préjudice des articles 34-1 et 34-2, tout distributeur de services fait droit, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux demandes des éditeurs de services de télévision ne faisant pas appel à rémunération de la part des usagers et dont la diffusion est autorisée conformément aux articles 30 ou 30-1 tendant, d'une part, à permettre l'accès, pour la réception de leurs services, à tout terminal utilisé par le distributeur pour la réception de l'offre qu'il commercialise et, d'autre part, à assurer la présentation de leurs services dans les outils de référencement de cette offre. ».

10.Cette disposition garantit un droit d'accès et de numérotation des chaînes de la TNT nationale gratuite aux offres des distributeurs de services. Ce dernier implique, pour le distributeur une obligation d'interopérabilité des décodeurs. Elle est conditionnée à une demande de l'éditeur, ne constitue pas une obligation de contracter et n'est pas exclusive d'une éventuelle rémunération.

11.Dans une décision no 2019-395 du 31 juillet 2019 relative à un différend opposant les sociétés [3], [40] et [15] à la société [21], le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après le « [10] ») a relevé « [qu']...

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