Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 31 mai 2017, 15-82.159, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Guérin
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CR01186
Case OutcomeRejet
Date31 mai 2017
Docket Number15-82159
Appeal NumberC1701186
CounselSCP Baraduc,Duhamel et Rameix,SCP Foussard et Froger
CitationSur le domaine d'application de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et 2016-556 QPC du 22 juillet 2016, à rapprocher :Crim., 22 février 2017, pourvoi n° 16-82.047, Bull. crim. 2017, n° ??? (rejet)
Subject MatterIMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Fraude fiscale - Condamnation - Exclusion - Cas - Décharge de l'impôt pour un motif de fond par une décision juridictionnelle devenue définitive - Champ d'application - Identité d'impôt - Dissimulation volontaire des sommes sujettes à l'impôt (oui) - Omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits (non)
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Gérard X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 18 mars 2015, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 avril 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, M. Germain, Mmes Planchon, Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mme Chauchis, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Valat ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;


Vu les mémoires en demande, en défense, en réplique et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, courant 2007, la société britannique Celine limited, spécialisée dans la vente par correspondance de produits minceurs et de compléments alimentaires et disposant en France d'un établissement déclaré au registre du commerce et des sociétés le 4 octobre 2002, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité par les services fiscaux ; qu'il a été établi que cette société, sans locaux d'exploitation ni moyens humains et matériels au Royaume Uni, dont le chiffre d'affaires était intégralement réalisé hors de ce pays, disposait d'une adresse postale chez la société Framar international France qui enregistrait les commandes, qu'elle avait principalement des clients résidant en France, que les règlements étaient versés sur des comptes bancaires français, que les fournisseurs des produits se composaient de sociétés françaises, de sorte qu'elle réalisait en France un cycle commercial complet d'achat et de revente, la soumettant aux dispositions de l'article 209, I, du code général des impôts et que M. X... était le gérant de droit des sociétés Framar international Belgique, chargées du stockage et de l'expédition des commandes, et IMDM, responsable des campagnes publicitaires ; que l'administration fiscale, estimant également que la société disposait, au regard de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968, d'une installation fixe d'affaires, dans les locaux de la société Framar international France, dans laquelle la société exerçait tout ou partie de son activité caractérisant un établissement stable, a déposé plainte auprès du procureur de la République de Paris à l'encontre de M. Y..., dirigeant de droit, et de M. X..., en qualité de gérant de fait, pour défaut de déclaration de résultats soumis à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2006 et omission de passation d'écritures comptables obligatoires au titre du même exercice ; qu'après reconstitution du chiffre d'affaires, elle a évalué le montant des droits éludés à la somme de cent six mille quatre vingt-trois euros ; que, cité devant le tribunal correctionnel des chefs de fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, M. X..., par jugement du 10 septembre 2013, a été déclaré coupable, condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis et déclaré solidairement tenu avec la société redevable légale de l'impôt au paiement des impôts fraudés, majorations et pénalités y afférentes ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel ; que, devant la cour d'appel, le conseil du prévenu a opposé l'existence d'une décision juridictionnelle administrative devenue définitive ;

Attendu que, parallèlement à la procédure pénale, s'est déroulée une procédure fiscale à l'encontre de M. X..., résidant fiscalement en France ; que l'administration fiscale a procédé à la reconstitution des bénéfices réalisés, selon elle, par l'établissement stable de la société Celine limited au titre des exercices clos en 2005 et 2006 afin de les imposer, dès lors qu'ils n'ont pas été déclarés, à l'impôt sur le revenu au nom de M. X..., pris en qualité de maître de l'affaire de cet établissement ; qu'elle a adressé à M. X... une proposition de rectification comportant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ; qu'annulant le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 22 février 2012 qui avait rejeté la requête formée par le contribuable, la cour administrative d'appel de Paris, par arrêt du 2 octobre 2013 devenu définitif, a déchargé M. X... desdites cotisations et des pénalités y afférentes, considérant que la société ne disposait pas, en sa personne, d'un établissement stable en France au sens de l'article 4, 4°, de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968, à savoir un agent dépendant disposant de pouvoirs exercés habituellement en France lui permettant de conclure des contrats au nom de la société ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1, 6, § 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 4 du Protocole n° 7 de cette Convention, des articles 209, 1741, 1743, 1745 et 1750 du code général des impôts, des articles 4 et 6 de la Convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que, sur l'action publique, l'arrêt confirmatif attaqué a jugé M. Gérard X... coupable des faits qui lui étaient reprochés, constitutifs du délit de fraude fiscale, le condamnant à dix mois d'emprisonnement avec sursis et disant qu'il sera tenu solidairement avec la société Celine Limited, redevable légal, au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes ;

" aux motifs que la société à responsabilité de droit britannique, Celine Limited, était créée le 12 juillet 2002 au Royaume-Uni et son siège social était situé à Londres, avec plusieurs adresses de domiciliation successives figurant au dossier de l'administration fiscale ; que, selon la réponse des autorités fiscales britanniques à la demande d'assistance des services fiscaux français, le capital social était détenu depuis la constitution et pendant la période vérifiée par ces derniers par M. Olivier Z..., de nationalité belge et domicilié en Belgique, le gérant de droit à compter du 1er avril 2003 (succédant à M. Olivier Z...) étant M. John Arthur Y..., de nationalité américaine et résidant aux USA, qui en serait devenu l'associé unique à compter du 9 octobre 2008 (hors période vérifiée) ; que cette société déclarait également son existence en France par une inscription au registre du commerce et des sociétés le 4 octobre 2002 et elle était domiciliée au cours de la période vérifiée chez la société Framar International, 13 rue de Belzunce à Paris 10e, puis à compter du 1er juillet 2008 square Sartagne à Paris 10e, l'ensemble des plis adressés au siège londonien par l'administration fiscale étant retourné par la poste britannique à cette dernière adresse ; qu'elle faisait l'objet, en France, d'une décision de radiation administrative le 25 juillet 2007, le procès-verbal de police du 22 septembre 2010 précisant « d'office par suite de cessation complète d'activité à compter du 1er janvier 2006 » ; qu'elle avait pour activité la vente de produits minceurs et de compléments alimentaires par correspondance : téléphone, internet, coupons détachables d'encarts publicitaires dans la presse ; que le 22 octobre 2007, l'administration fiscale adressait un avis de vérification de comptabilité au représentant légal de la société Celine Limited pour son établissement en France ; que le 12 novembre 2007, l'inspecteur des impôts se présentait dans les locaux parisiens mais aucun représentant de la société n'était présent ; qu'un nouveau rendez-vous était proposé par courrier du 30 novembre 2007 adressé aux mêmes destinataires mais retourné avec les mêmes mentions, et notamment « impossible de faire suivre » pour M. Y... et la nouvelle visite du 11 décembre 2007 sur place se révélait infructueuse en raison de l'absence de représentant de la société ; qu'entre temps, le 4 décembre 2007, Me Johannes A..., qui se présente en qualité d'avocat de la société Celine Limited répondait à la mise en demeure du 12 novembre 2007 de déposer une déclaration d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2004 ainsi que les déclarations de TVA des mois d'octobre 2003 à septembre 2004 ; qu'il communiquait à cette occasion la nouvelle adresse de la société Celine Limited au 9 Perseverance Works à Londres (Royaume-Uni) ; qu'il expliquait qu'exerçant son activité en Grande-Bretagne et n'utilisant les locaux parisiens de la société Framar International que pour recevoir du courrier, cette société n'avait pas d'obligations déclaratives en France en matière de bénéfices au regard des dispositions conventionnelles ; que tant au regard du droit interne (article 209-1 alinéa 1 du code général) que du droit conventionnel (article 6-1 de la Convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968), l'administration fiscale considérait que la société Celine Limited disposait à tout le moins depuis le mois d'août 2004 d'une installation fixe d'affaires au 13, rue de Belzunce à Paris et utilisait des comptes bancaires français, ouverts à la même date, qu'elle développait en France une activité de vente de compléments alimentaires selon un cycle commercial complet, au travers de relations avec des fournisseurs et des prestataires de service exclusivement français (à l'exception de la société belge SPRL Framar International) et qu'elle était animée de fait par M. X..., domicilié à Paris et dirigeant de droit des principaux...

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