Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 septembre 2021, 19-20.538, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Cathala
ECLIECLI:FR:CCASS:2021:SO00975
Case OutcomeRenvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne
CounselSCP Lyon-Caen et Thiriez,SCP Lévis
Appeal Number52100975
Docket Number19-20538
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Date08 septembre 2021
Subject MatterUNION EUROPEENNE - Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions - Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 - Effets de la reconnaissance - Détermination - Portée CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Effets - Etendue - Détermination - Portée CHOSE JUGEE - Décision dont l'autorité est invoquée - Jugement étranger - Identité de cause et d'objet - Détermination - Portée
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 septembre 2021




Renvoi devant la cour de justice de l'Union européenne


M. CATHALA, président



Arrêt n° 975 FS-B

Pourvoi n° S 19-20.538














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 19-20.538 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. [K] [I], domicilié au [Adresse 2], défendeur à la cassation.

M. [I] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [I], et les plaidoiries de Me Lévis et de Me Lyon-Caen, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Joly, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2019), M. [I], a été engagé par la société BNP, devenue la société BNP Paribas, établie en France, le 25 août 1998, aux termes d'un contrat de droit anglais, pour exercer, à Londres, les fonctions de « Senior Dealer ».

2. Il a signé, le 2 avril 2009, avec la même société, un contrat de travail à durée indéterminée de droit français pour un détachement à Singapour. Par avenant à son contrat de travail du 16 août 2010, avec effet au 1er septembre 2010, il a été affecté à la succursale de Londres de la société BNP Paribas.

3. Il a été licencié, par lettre du 30 septembre 2013 alors qu'il occupait à Londres l'emploi de « Head of Trading, Credit for CEEMA », pour faute grave en raison de faits survenus au cours de sa période de détachement à Singapour.

4. Saisi par le salarié le 20 décembre 2013, l'Employment Tribunal (London central) (Royaume-Uni) a, par jugement du 8 juillet 2014, accueilli sa plainte pour licenciement abusif (« complaint of unfair dismissal ») comme étant bien fondée en application de la loi de 1996 sur les droits en matière d'emploi (la loi de 1996), réduit toute indemnité compensatoire (« compensatory award ») de 75 % conformément aux principes énoncés dans l'arrêt Polkey-v-A E Dayton Services Ltd [1988] ICR 142 HL, écarté, en application de la même loi, toute réduction d'indemnité de base (« basic award ») ou compensatoire en raison du comportement du demandeur et renvoyé, sine die, les autres points, dont la question d'une majoration de l'indemnité de base pour manquement de l'employeur au code du service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (« Advisory, Conciliation and Arbitration Service Code of Practice on Disciplinary and Grievance Procedures ») (le code ACAS), en l'absence d'accord des parties, à une audience concernant les mesures de réparation. A été également allouée au salarié une somme de 81 175 livres à titre d'indemnité compensatoire.

5. S'agissant de l'application de la loi britannique à l'affaire, l'Employment Tribunal a exposé : « J'ai mentionné une caractéristique inhabituelle du dossier, à savoir le fait que les défendeurs ont sanctionné le demandeur conformément au code du travail français. Cela a été jugé pertinent, d'après ce que l'on m'a dit, puisqu'il était employé en vertu d'un contrat de travail français. Pour ma part, cela ne soulève aucune contestation juridique. Monsieur [P] [le conseil de la société BNP Paribas] a inéluctablement accepté que l'affaire doive être tranchée en vertu de la loi de 1996 et de la jurisprudence britannique. »

6. Le salarié a saisi, par requête du 27 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la condamnation de la société BNP Paribas au paiement de bonus, de primes et de diverses indemnités afférentes à son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à des préjudices spécifiques.

7. Par jugement du 17 mai 2016, le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables ces demandes du fait de l'autorité de la chose jugée.

8. Sur l'appel du salarié, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 22 mai 2019, a infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, a constaté que le jugement rendu par l'Employment Tribunal le 8 juillet 2014 a autorité de la chose jugée en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave du salarié par la société BNP Paribas non fondé sur une cause réelle et sérieuse, a déclaré le salarié recevable en ses demandes formées devant elle, a condamné la société BNP Paribas à payer au salarié les sommes suivantes :

- 540 457,96 euros à titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014,

- 214 577,45 euros à titre des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014,

- 539 996,67 euros à titre des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014,

- 475 939,45 euros au titre des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012,

- 73 379,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 7 338 euros au titre des congés payés afférents.

- 595 595,24 euros à titre d'indemnité de licenciement.

- 2 081 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

9. La société BNP Paribas a formé un pourvoi principal et le salarié un pourvoi incident.

10. Dans son arrêt du 22 mai 2019, la cour d'appel a relevé les éléments suivants : « Monsieur [I] expose que, s'étant vu retirer sa licence professionnelle par le régulateur anglais FCA à la suite de son licenciement pour faute grave, il n'était plus autorisé à exercer sa profession en Angleterre et que, pour récupérer sa licence, il lui était nécessaire d'obtenir une décision judiciaire de l'Employment Tribunal de Londres déclarant son licenciement "unfair" c'est-à-dire abusif puisque cette juridiction dispose d'une compétence exclusive en matière de "unfair dismissal", procédure visant à voir constater le caractère abusif du licenciement et statuer sur la régularité de la procédure suivie par l'employeur pour licencier le salarié au regard des règles d'ordre public anglaises. Il précise qu'il a saisi l'Employment Tribunal dans le cadre de la procédure pour "unfair dismissal" pour contester le bien fondé de son licenciement au regard des dispositions du [code ACAS] et de [la loi de 1996] qui sont d'ordre public au Royaume-Uni et dont BNP Paribas a accepté l'application, ajoutant que dans l'acte de saisine du 20 décembre 2013, il a expressément réservé toutes autres demandes au titre des conséquences de la rupture en application de son contrat de travail et du droit du travail français et du paiement de ses bonus différés. Le salarié ajoute que par jugement en date du 26 septembre 2014, le tribunal a reconnu le caractère abusif de son licenciement et n'a appliqué aucune réduction au montant maximum des indemnités allouées dans le cadre de la procédure de "unfair dismissal", soit la somme de 81 175 livres sterling (environ 96 517,05 euros), que la BNP Paribas lui a réglé cette somme sans qu'aucun recours n'ait été formé à l'encontre de la décision. Il soutient que sa saisine du conseil de prud'hommes porte sur les demandes qu'il avait explicitement exclues devant la juridiction londonienne. Il considère donc que l'autorité de chose jugée ne s'applique qu'au fait que le juge britannique a considéré qu'il n'avait commis aucune faute et que son licenciement était abusif et non fondé sur des éléments probants, ce qui l'autorise à solliciter les indemnités et rappels de salaire en application des dispositions du droit du travail français et de son contrat de travail. »

11. La cour d'appel a relevé, par ailleurs, que, pour sa part, la société BNP Paribas soutient que le juge anglais a appliqué la loi anglaise en tant que loi choisie par les parties en se référant à un accord implicite de leur part, que la décision a été exécutée et que le juge français n'a en aucune manière la possibilité de remettre en cause l'office du juge anglais et l'application de la loi anglaise faite par le juge anglais. La société expose que la procédure dite d'« unfair dismissal » couvre tant la procédure de licenciement que les motifs de la rupture, que contrairement aux actions pour « wrongful dismissal » pour lesquelles la question est de savoir si l'employeur a violé les termes du contrat, les actions pour « unfair dismissal » visent à rechercher le caractère raisonnable de la décision de l'employeur de licencier et/ou la procédure suivie par l'employeur pour licencier. Au surplus, l'établissement bancaire considère que, contrairement à ce que soutient le salarié, le juge anglais n'a pas considéré que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse mais a, en revanche, contesté la procédure mise en place, bien que conforme au droit français, lui reprochant de ne pas avoir respecté la procédure de droit anglais applicable, selon lui, à un licenciement conduit en Angleterre. En conséquence, la société BNP Paribas considère que le juge britannique a définitivement tranché le...

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