Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 mai 2019, 18-15.356, Publié au bulletin

CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Presiding JudgeMme Batut (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:C100486
CitationCf. :Tribunal des conflits, 23 avril 2007, Bull. 2007, T. conflits, n° 15, et la décision citée
Case OutcomeCassation partielle
CounselSCP Foussard et Froger,SCP Alain Bénabent
Docket Number18-15356
Appeal Number11900486
Date22 mai 2019
Subject MatterCOMMUNE - Finances communales - Recettes - Droits de place perçus dans les halles, foires et marchés - Fixation - Tarifs - Clause d'indexation - Illégalité de la clause - Effets - Détermination
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant convention du 15 septembre 1978, le Syndicat communautaire d'aménagement de l'agglomération nouvelle de Marne-la-Vallée a concédé à MM. Q... et W... l'exploitation du marché couvert de l'Arche Guédon, situé sur le territoire de la commune de Torcy (la commune), pour une durée de trente ans ; que ce contrat prévoyait l'obligation, pour les concessionnaires, de construire à leurs frais le marché, pour un coût fixé forfaitairement à 1 100 000 francs, et qu'en contrepartie, ces derniers étaient libérés du paiement de la redevance pendant les quinze premières années du contrat ; qu'un nouveau « traité de concession », regroupant le marché de l'Arche Guédon et le marché du Centre, a été conclu le 9 décembre 1989 entre, d'une part, la commune, d'autre part, MM. Q... et W... et la société Les Fils de madame W..., pour une durée de vingt-cinq ans renouvelable par tacite reconduction pour dix ans ; qu'en sus de la reprise des engagements financiers stipulés dans la convention du 15 septembre 1978, les parties sont convenues que la commune réaliserait les travaux d'extension du marché du Centre, que la participation financière des concessionnaires à cette opération consisterait en une redevance complémentaire égale aux annuités de l'emprunt contracté par la commune pour la construction et qu'en contrepartie, ils seraient exonérés du paiement de redevances pour les quinze premières années d'exploitation du marché du Centre ; qu'à l'occasion de l'opération de déplacement du marché de l'Arche Guédon, un avenant a été signé entre les parties le 23 décembre 1997, prévoyant que ces travaux seraient réalisés par la commune, mais que l'exploitant devrait verser une redevance annuelle supplémentaire correspondant à l'annuité théorique de l'emprunt souscrit par la commune pour cette opération ; qu'il était, en outre, stipulé que la durée du traité conclu le 9 décembre 1989 était prorogée de quinze années, soit jusqu'au 31 décembre 2038 ; que, par lettre du 21 octobre 2011, la commune a informé les concessionnaires de sa décision de résilier, pour un motif d'intérêt général, le traité du 9 décembre 1989 et son avenant, avec effet au mois de septembre 2012 ; que MM. Z..., V... et U... Q..., venant aux droits de MM. Q... et W..., et la société Les Fils de madame W... (les consorts Q...) ont saisi la juridiction judiciaire pour obtenir réparation du préjudice en résultant, dans les termes de la clause indemnitaire prévue à l'article 20, 1°, d), de l'avenant du 23 décembre 1997 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que les consorts Q... font grief à l'arrêt d'écarter l'application de cette clause en ce qu'elle prévoit qu'une partie de l'indemnité due en cas de résiliation du contrat est égale, pour chacune des années restant à courir à la date de la résiliation, à 1/40e du total des redevances spéciales, chacune à compter de l'année de son versement étant actualisée au taux d'intérêt légal de l'année considérée majoré de trois points, de dire que la commune doit les indemniser du préjudice réellement subi au titre de l'amortissement de leurs investissements s'élevant à 1 100 000 francs et de désigner un expert pour fournir les éléments permettant de déterminer l'étendue du déficit de l'investissement qu'ils ont fait sur leurs fonds propres, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; qu'il ne peut en aller autrement qu'en cas d'irrégularité, constatée par le juge administratif, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; qu'en l'espèce, s'agissant de la partie de l'article 20-1-d de l'avenant de refonte prévoyant le versement d'une indemnité « égale, pour chacune des années du traité restant à courir à la date de résiliation, ce nombre étant arrondi à l'unité supérieure, à 1/40e du total des redevances spéciales prévues aux articles 18-2 et 18-3 », la cour d'appel a retenu que « cette partie de la clause contractuelle doit être écartée et afin d'obtenir réparation, les consorts Q... devront établir le préjudice réellement subi selon les principes de la responsabilité civile quasi-délictuelle » ; qu'en écartant ainsi cette « partie de la clause » dont le juge administratif n'avait pourtant pas constaté l'irrégularité, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ;

2°/ que les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de procédure ont, au principal, l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, par ordonnance du 20 mai 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance avait déclaré la ville de Torcy « irrecevable en son exception de procédure tendant à ce que soit ordonné un sursis à statuer en vue de poser au juge administratif une question préjudicielle portant sur la validité de la clause litigieuse du contrat » ; que n'ayant exercé aucun recours contre cette décision, la commune n'était plus recevable à demander que soit écartée l'application du contrat ; qu'en affirmant qu' « aucune autorité de la chose jugée n'est attachée à l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 20 mai 2014, celui-ci s'étant contenté de dire irrecevable la demande de sursis à statuer, n'ayant pas le pouvoir de « dire, au besoin d'office, que la question de la validité de la clause d'indemnisation relève de la compétence du tribunal administratif de Melun » comme cela lui était indûment demandé par la commune de Torcy », la cour d'appel a violé les articles 771 et 775 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

3°/ que, subsidiairement, ne relève pas d'une « jurisprudence établie » du juge administratif, autorisant le juge judiciaire à écarter l'application du contrat, l'illicéité d'une clause retenue au terme d'une interprétation des stipulations contractuelles et de l'économie générale du contrat ; qu'en se livrant pourtant, pour écarter partiellement l'application de la clause 20-1-d de l'avenant de refonte, à une interprétation des conventions conclues entre les parties et de « l'économie de ces contrats » administratifs, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ;

4°/ qu'en toute hypothèse, les juges du fond ne jouissent du pouvoir d'interpréter les conventions que si celles-ci sont obscures ou ambiguës ; qu'en l'espèce, il résultait des termes clairs et précis du préambule de l'avenant de refonte et de ses articles 9 et 18-3, exclusifs de toute interprétation, que les consorts Q... avaient assumé la totalité du coût des investissements réalisés depuis la première convention conclue en 1978 ; qu'en procédant pourtant à une interprétation des conventions et de l'économie des contrats pour affirmer que les consorts Q... n'auraient « financé les équipements publics qu'à hauteur de 1 100 000 francs » et conclure au caractère manifestement disproportionné de l'indemnisation prévue par la clause au regard de cet investissement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que l'ordonnance rendue le 20 mai 2014 par le juge de la mise en état s'est bornée à déclarer irrecevable l'exception de procédure soulevée par la commune, tendant à ce qu'il soit sursis à statuer en vue de poser au juge administratif une question préjudicielle portant sur la validité de la clause indemnitaire litigieuse, l'arrêt retient, à bon droit, par motifs propres et adoptés, que le juge de la mise en état n'a pas statué sur la légalité de ladite clause, de sorte qu'aucune autorité de la chose jugée n'est attachée à sa décision de ce chef ;

Et attendu, d'autre part, que, si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; que la cour d'appel a exactement énoncé que, selon une jurisprudence administrative constante, l'indemnité contractuellement prévue au profit du concessionnaire, en cas de résiliation par l'autorité concédante pour un motif d'intérêt général, ne devait pas présenter, au détriment de la personne publique, une disproportion manifeste avec le préjudice résultant, pour le titulaire du contrat, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé ; que, par une interprétation des stipulations des conventions conclues les 15 septembre 1978 et 9...

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