Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 mars 2017, 14-29.179 14-29.408 14-29.973 15-10.891 15-17.450, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:C100329
Case OutcomeCassation partielle
Docket Number14-29408,14-29179,15-10891,14-29973,15-17450
Appeal Number11700329
CounselSCP Boré et Salve de Bruneton,SCP Hémery et Thomas-Raquin,SCP Lyon-Caen et Thiriez,SCP Piwnica et Molinié,SCP Waquet,Farge et Hazan
Date15 mars 2017
Subject MatterPROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits voisins du droit d'auteur - Droits des artistes-interprètes - Droit de reproduction - Cession - Autorisation unique de l'artiste-interprète - Rémunération unique - Définition de la nature de ces exploitations - Nécessité PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits voisins du droit d'auteur - Droits des artistes-interprètes - Droit de reproduction - Cession - Autorisation de l'artiste-interprète - Par mention distincte pour chaque mode d'utilisation - Nécessité
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)


Vu leur connexité, joint les pourvois n° 14-29.179, n° 14-29.408, n° 14-29.973, n° 15-10.891 et n° 15-17.450, qui sont formés contre le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la convention collective nationale de l'édition phonographique (la convention) a été signée le 30 juin 2008 entre, d'une part, des organisations syndicales d'employeurs, le Syndicat national de l'édition phonographique (le SNEP) et l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (l'UPFI), d'autre part, treize organisations syndicales de salariés ; qu'elle comprend une annexe n° 3 qui "règle tout ou partie des conditions d'emploi, de rémunération et de garanties sociales des artistes-interprètes" salariés, dont le titre III contient des dispositions "applicables aux artistes musiciens, artistes des choeurs et artistes choristes" ; qu'un protocole additionnel à la convention prévoit au profit des artistes-interprètes, qui ont participé à la fixation d'enregistrements avant le 1er juillet 1994, un complément de rémunération au titre des modes d'exploitation pour lesquels aucune rémunération n'avait été prévue ; que la convention a été étendue à l'ensemble du secteur par arrêté du 20 mars 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville (n° 2770) ; que le Syndicat national des musiciens force ouvrière (le SNM-FO), qui y a adhéré tout en émettant des réserves sur son annexe n° 3, puis la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (la SPEDIDAM) ont assigné le SNEP et l'UPFI, ainsi que les autres signataires, en annulation des articles III.21 et suivants de son annexe n° 3 ; que le Syndicat national des enseignants et artistes (le SNE-UNSA), le Syndicat des artistes-interprètes et enseignants de la musique et de Paris Ile-de-France (le SAMUP) et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma (la FESAC) sont intervenus volontairement à la procédure ; que les instances ont été jointes ; que, saisi parallèlement par la SPEDIDAM d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté du 20 mars 2009, le Conseil d'Etat a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la validité de la convention collective au regard des moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance par l'annexe n° 3 des dispositions de l'article L. 2221-1 du code du travail et des articles L. 212-3 et L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, d'autre part, de la méconnaissance des missions assignées par le législateur aux sociétés de gestion collective des droits des artistes-interprètes, ainsi que des droits qui leur sont reconnus ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 14-29.408 et sur le moyen unique, pris en sa dix-septième branche de chacun des pourvois n° 14-29.973 et n° 15-17.450, ceux-ci rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que la SPEDIDAM et le SAMUP, d'une part, le SNM-FO, d'autre part, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en nullité de l'annexe n° 3 de la convention collective, ainsi que du protocole additionnel, sauf pour la mention « la réalisation et la communication de publicités dans des lieux publics » figurant au mode D de l'article III.22.2 de l'annexe, dont il retient la nullité, alors, selon le moyen :

1°/ que les stipulations de l'annexe n° 3 de la convention collective du 30 juin 2008 et de son protocole additionnel méconnaissent les dispositions de l'article L. 2221-1 du code du travail en ce qu'ils disposent des droits de propriété intellectuelle dont sont titulaires, à titre individuel et exclusif, les artistes-interprètes ainsi que celles des articles L. 212-3 et L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle définissant et garantissant ces droits ; qu'en refusant d'annuler l'annexe n° 3 de la convention collective du 30 juin 2008 et son protocole additionnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que le code de la propriété intellectuelle institue une gestion collective des droits voisins des artistes-interprètes, comme seule alternative à la gestion individuelle de ces droits, qui relève de la compétence exclusive des sociétés de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes ; qu'en instituant une cession directe des droits de propriété intellectuelle aux producteurs de phonogrammes par le contrat de travail et en réglementant les conditions de rémunération des droits cédés, les syndicats professionnels ont frauduleusement contourné le système de gestion collective des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes en évinçant, du processus de cession qu'ils ont institué, les sociétés de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes, dont la SPEDIDAM ; qu'en refusant d'annuler l'annexe n° 3 de la convention collective constitutive d'une fraude au mécanisme de la gestion collective des droits voisins des artistes-interprètes, et notamment aux missions dont la SPEDIDAM est investie par le législateur, privant les artistes-interprètes des garanties qui s'y attachent, la cour d'appel a violé les articles L. 2221-1 du code du travail, ensemble les articles L. 321-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ qu'en jugeant que la négociation collective pouvait porter sur les conditions d'emploi des artistes-interprètes relativement à l'exercice de leurs droits de propriété intellectuelle, la cour d'appel a violé les articles L. 2221-1 et L. 2221-2 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt relève que l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle renvoie aux dispositions du code du travail pour les rémunérations auxquelles donne lieu l'exercice des droits exclusifs des artistes-interprètes salariés ; qu'il en déduit exactement que le contrat de travail peut inclure des stipulations relatives à leur exercice et, partant, que les modalités de leur cession peuvent relever de la négociation collective ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que les dispositions de l'annexe n° 3 prévoient la possibilité pour l'artiste-interprète d'autoriser, lors de la signature du contrat de travail, la fixation, la première utilisation et les utilisations secondaires de sa prestation, l'arrêt retient, à bon droit, que, dès lors que l'autorisation est donnée individuellement par le salarié lors de la signature du contrat de travail, ces dispositions ne portent pas atteinte aux droits des artistes-interprètes ni à ceux de la SPEDIDAM, à laquelle ceux-ci demeurent libres d'adhérer ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 14-29.408, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Attendu que la SPEDIDAM et le SAMUP font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la cession de ses droits de propriété intellectuelle par l'artiste-interprète est soumise à un principe de spécialité d'ordre public qui exige une autorisation expresse de l'artiste-interprète pour chaque utilisation de sa prestation ; que, dès lors, une convention collective ne peut instaurer un système d'autorisation par modes d'exploitation incluant plusieurs utilisations distinctes de la prestation de l'artiste-interprète et visant, pour chaque mode d'exploitation, l'ensemble des actes qui y sont liés ; qu'en l'espèce, l'article III.23.21 de l'annexe III intitulé « Exercice du droit d'autoriser » prévoit que l'autorisation de l'artiste-interprète est exigée pour « chaque mode d'exploitation de sa prestation » ; que l'article III.22.1 dénombre six modes d'exploitation A, B, C, D, E incluant une diversité d'utilisations et visant, chacun, « l'ensemble des actes (notamment : reproduction, mise à la disposition et communication au public, en intégralité ou par extrait) qui y sont liés, de même que les actes de publicité des exploitations, produits ou services concernés » ; qu'aux termes des articles III.24.2 et III.25, les rémunérations complémentaires forfaitaires sont déterminées pour un mode d'exploitation donné et couvrent indistinctement l'ensemble des utilisations et destinations prévues au titre de ce mode d'exploitation ; qu'il en résulte que l'annexe litigieuse prévoit, en violation du droit de la propriété intellectuelle, un système de cession globalisée de toutes les utilisations formant un mode unique d'exploitation sans prévoir la possibilité pour l'artiste-interprète d'autoriser ou non chaque utilisation distincte de sa prestation ; qu'en refusant, néanmoins, d'annuler l'annexe n° 3 litigieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article L. 2251-1 du code du travail ;

2°/ que les dispositions de l'annexe n° 3 instituent des montants minimaux de rémunération dus à l'artiste-interprète au titre des modes d'exploitation de sa prestation qu'il est susceptible d'autoriser sans préciser, en violation du principe de spécialité susvisé, ni le territoire ni la durée d'exploitation correspondants ; qu'en refusant d'annuler ces dispositions, la cour d'appel a violé l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article L. 2251-1 du code du travail ;

3°/ que, hormis la possibilité de conclure des accords dérogatoires dans les strictes limites prévues par le législateur, une convention ou un accord collectif ne peut comporter que des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales ; qu'en validant l'annexe n° 3 qui instaure un mode de cession des droits de propriété intellectuelle de l'artiste-interprète salarié par blocs d'utilisations moins favorable que celui résultant de l'application des dispositions du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 2251-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir rappelé qu'en application de l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, l'autorisation de l'artiste-interprète doit être recueillie par mention...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT