Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 janvier 2016, 14-21.670 14-21.671, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:CO00071
Case OutcomeRejet
Docket Number14-21671,14-21670
Date19 janvier 2016
CounselSCP Baraduc,Duhamel et Rameix,SCP Piwnica et Molinié
Appeal Number41600071
Subject MatterCONCURRENCE - Autorité de la concurrence - Procédure - Instruction - Décision de l'Autorité de la concurrence - Décision protégeant des documents relatifs à la personne mise en cause par le secret des affaires - Recours par la partie saisissante (non)
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 14-21.670 et V 14-21.671 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 24 juin 2014, RG n° 2013/06758 et n° 2013/06766), que la société E-Kanopi, qui exploitait plusieurs sites internet pour lesquels elle avait souscrit un compte AdWords auprès de la société Google et qui éditait, également, les sites « iadah » pour lesquels elle avait ouvert un compte AdSense, a saisi l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) de pratiques mises en oeuvre par le groupe Google dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches, en soutenant que les coupures brutales de ses comptes AdWords et AdSense par la société Google, en mai et juin 2010, présentaient un caractère discriminatoire et constituaient des pratiques d'abus de position dominante ayant pour effet l'éviction des entreprises concurrentes de la société Google ; que, par décision n° 12-DSA-441 du 21 décembre 2012, le rapporteur général de l'Autorité a donné acte à la société Google de sa demande de protection de documents au titre du secret des affaires et dit que seuls la version non confidentielle et le résumé des documents visés seraient communiqués aux autres parties à la procédure ; que, par décision n° 13-D-07 du 28 février 2013, l'Autorité a rejeté la saisine de la société E-Kanopi, sur le fondement de l'article L. 462-8 du code de commerce, faute d'être étayée d'éléments suffisamment probants ; que, par deux arrêts du 24 juin 2014, la cour d'appel a rejeté les recours formés par la société E-Kanopi contre chacune de ces décisions ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° V 14-21.671 :

Attendu que la société E-Kanopi fait grief à l'arrêt du 24 juin 2014 (RG n° 2013/06766) de dire irrecevable son recours contre la décision du rapporteur général de l'Autorité accordant le secret des affaires alors, selon le moyen :

1°/ que toute partie à une procédure doit pouvoir exercer un recours juridictionnel effectif contre une décision d'un organisme non juridictionnel lui faisant grief ; qu'en affirmant que la partie saisissante, n'est pas recevable à présenter au rapporteur de l'Autorité une requête tendant à la communication ou la consultation de pièces mettant en jeu le secret des affaires d'autres personnes, et notamment de la personne qu'elle met en cause dans sa saisine dans la mesure où seule la partie mise en cause peut exercer cette faculté, la cour d'appel a violé les articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 463-4 et R. 463-15 du code de commerce ;

2°/ que toute personne doit pouvoir contester devant un tribunal indépendant et impartial la légalité externe et interne d'une décision prise par un organisme administratif non juridictionnel lui faisant grief ; que la partie qui a saisi l'Autorité ne doit donc jamais être privée de la possibilité de faire censurer par un juge une décision irrégulière prise par le rapporteur ; que les articles L. 463-4 et R. 463-15 qui se bornent à permettre à toute personne mise en cause d'obtenir la levée de la confidentialité lorsque la consultation des documents couverts par un secret d'affaires est nécessaire à l'exercice des droits de la défense ne limitent pas le droit de toute partie à la procédure de contester la légalité même de la décision prise ; qu'en affirmant que la partie saisissante n'est pas davantage recevable à contester la décision par laquelle le rapporteur fait droit, en la forme ou au fond, à la demande de la personne visée par la saisine tendant à la protection par le secret des affaires d'éléments par elle communiqués à l'Autorité, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 463-4 et R. 463-15 du code de commerce, ensemble les articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Mais attendu que le droit des parties de prendre connaissance des pièces remises à l'Autorité n'est pas un droit absolu et illimité et doit être mis en balance avec le droit des entreprises à la protection du secret de leurs affaires ; que ni le droit à un recours effectif ni le principe de la contradiction n'impliquent que la partie saisissante, qui n'a pas de droits de la défense à préserver dans le cadre de la procédure ouverte par l'Autorité sur sa saisine, laquelle en outre n'a pas pour objet la défense de ses intérêts privés, puisse obtenir la communication de documents couverts par le secret des affaires concernant la personne qu'elle a mise en cause, ni qu'elle puisse contester la décision de protection du secret des affaires prise à ce titre ; qu'ayant rappelé qu'il résulte des dispositions des articles L. 463-4 et R. 463-15 du code de commerce qu'indépendamment de la faculté pour le rapporteur de demander le déclassement de pièces faisant l'objet d'une protection au titre du secret des affaires, s'il considère que ces pièces sont nécessaires à l'exercice des droits de la défense d'une ou plusieurs parties ou que celles-ci doivent en prendre connaissance pour les besoins du débat devant l'Autorité, seule une partie mise en cause peut demander la communication ou la consultation de la version confidentielle d'une pièce qu'elle estime nécessaire à l'exercice de ses droits, c'est à bon droit et sans méconnaître les droits dont la violation est alléguée que l'arrêt retient que la société E-Kanopi, partie saisissante, ne dispose pas d'une telle faculté et qu'elle n'est pas recevable à exercer un recours contre la décision accordant la protection du secret des affaires à l'égard de pièces concernant la personne qu'elle a mise en cause dans sa saisine ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° U 14-21.670 :

Attendu que la société E-Kanopi fait grief à l'arrêt du 24 juin 2014 (RG n° 2013/06758) du rejet de son recours contre la décision de l'Autorité rejetant sa saisine alors, selon le moyen :

1°/ que pour écarter toute méconnaissance du principe du contradictoire, l'arrêt attaqué a notamment retenu que certains documents avaient bénéficié de la protection accordée au titre du secret des affaires ; que la censure de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu le même jour, ayant déclaré irrecevable le recours formé par la société E-Kanopi contre la décision 12-DSA-441 du 21 décembre 2012 du rapporteur général adjoint de l'Autorité relative à une demande de classement de pièces confidentielles par la société Google, entraînera, par voie de conséquence, la cassation totale de l'arrêt attaqué en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ que le respect du principe du contradictoire s'impose à l'Autorité, non seulement dans la phase postérieure à une notification des griefs mais aussi lorsqu'elle envisage de mettre un terme à une procédure sans même procéder à une telle notification ; qu'en considérant que l'Autorité n'était pas tenue de respecter le principe du contradictoire lorsqu'elle rejette une saisine pour insuffisance de preuves, la cour d'appel a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;

3°/ que le respect du principe du contradictoire est un élément fondamental du procès équitable qui s'impose au juge comme aux parties à toutes les phases de la procédure ; qu'en considérant que l'Autorité n'est pas tenue de respecter le principe du contradictoire lorsqu'elle rejette une saisine pour insuffisance de preuves, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, en premier lieu, que le rejet du pourvoi formé contre l'arrêt du 24 juin 2014 (RG 2013/06766) rend sans portée le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté qu'avant la séance de l'Autorité du 17 janvier 2013, la société E-Kanopi avait eu accès à la version non confidentielle des documents communiqués par le groupe Google et à leur résumé et que le dossier relatif à sa saisine lui avait été adressé, l'arrêt relève que cette société a été informée que le rapporteur proposerait, lors de la séance de l'Autorité, le rejet de la saisine, en application de l'article L. 462-8 du code de commerce et qu'elle a pu contester cette proposition en adressant ses pièces et observations écrites à l'Autorité ; qu'il relève encore que la société E-Kanopi a été mise en mesure, lors de la séance, de répliquer aux observations orales du rapporteur général ; que par ces motifs, dont il ressort qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la société E-Kanopi, partie saisissante, qui a été mise en mesure de faire valoir ses arguments au soutien de sa saisine et de présenter, à plusieurs reprises, ses observations avant la décision de rejet de celle-ci, la cour d'appel a, à bon droit, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la deuxième branche, rejeté le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction ;

Sur le deuxième et le troisième moyens, réunis :

Attendu que la société E-Kanopi fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que méconnaît les principes du contradictoire et de l'égalité des armes, et, plus largement la notion de procès équitable le juge qui ne permet pas à une partie de prendre connaissance des observations écrites produites par une autre partie à laquelle le ministère public est assimilé et d'y répondre dans les mêmes formes en temps utile ; que le rapporteur de l'Autorité qui dirige l'instruction et n'est pas membre de la formation de jugement est assimilé à une partie à l'instance ; qu'en considérant que le rapporteur devant l'Autorité n'avait pas violé le principe du contradictoire dans la mesure où...

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