Dossier special : convention collective du notariat et maladie du salarie

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Par Carole Lefranc-Hamoniaux Maître de conférences à la Faculté de droit et de science politique de Rennes Centre de droit des affaires, du patrimoine et de la responsabilité.

Ce mois-ci, la Revue des Notaires consacre un dossier spécial à la Convention Collective du Notariat et la maladie du salarié. Dans ce travail réalisé par Carole Lefranc- Hamoniaux, Maître de conférences à la Faculté de droit et de science politique de Rennes, l'auteur rappelle à la fois le droit commun tout en attirant le lecteur sur les spécificités relatives à la convention collective du notariat. Focalisée sur la pratique quotidienne de la gestion de l'étude notariale, cette étude constitue un véritable guide pratique de la gestion du personnel de l'étude notariale en cas de maladie.

L'ÉTUDE EST ORGANISÉE EN TROIS PARTIES :

I.Obligations du salarié et droits corrélatifs du notaire à faire vérifier la réalité de la cause de l'arrêt

II. Le sort du contrat de travail : étendue et limites au pouvoir de direction du notaire

III. Les avantages consentis au profit des salariés

I Obligations du salarié et droits corrélatifs du notaire à faire vérifier la réalité de la cause de l'arrêt

Les articles 20, 21 et 22 de la convention collective du notariat sont relatifs à la maladie du salarié exerçant son activité professionnelle au sein d'un office notarial. Compte tenu des enjeux ainsi que de l'évolution de la jurisprudence en la matière, la présente étude a pour objet de confronter ces dispositions convention- nelles aux dispositions légales et aux solutions judiciaires, dans le souci d'en assurer une plus grande lisibilité. Il apparaît préférable de ne pas s'en tenir à un examen des textes dans l'ordre de leur insertion dans la norme collective, mais de s'attacher à une appréciation des obligations, devoirs et avantages qu'ils instituent dans l'ordre d'apparition habituel des situations en cas de maladie du travailleur.

A - L'information du notaire

La première obligation incombant au salarié consiste à justifier de son absence auprès de son employeur, par l'envoi d'un certificat médical attestant l'arrêt de travail. Cette même obligation s'impose en cas de renouvellement de l'arrêt de travail. La transmission de la justification de son état de santé n'est pas enserrée dans un délai légal. Certes, la loi de mensualisation du 19 janvier 1978 pose que " le salarié doit avoir justifié, dans les 48 heures, de son incapacité".Toutefois, ce délai ne conditionne que le versement de l'indemnité complémentaire par l'employeur.

Si aucun texte législatif n'impose un délai de remise de la prescription médicale, il n'est pas rare que d'autres normes juridiques s'en chargent, telles le contrat de travail, le règlement intérieur, un accord ou encore une convention collective de branche ou nationale. Ce délai est souvent bref, de façon à permettre au chef d'entreprise d'organiser, au plus vite, le remplacement du salarié malade. Deux jours, la plupart du temps; trois parfois (ex : la convention collective des commissaires-priseurs).

L'article 21 de la convention collective du notariat dispose qu'en cas de maladie, " le salarié doit aviser son employeur, dès que possible, et au plus tard, dans les 48 heures de son arrêt de travail. Il doit justifier de son état en faisant parvenir à l'employeur, dans le même délai, un certificat d'arrêt de travail". Il est de jurisprudence constante que le défaut d'information (art 21 alinéa 1er) ou d'envoi du certificat médical Page 9 (alinéa 2) autorise le notaire à user de son pouvoir disciplinaire. Pour autant, le salarié s'expose t-il à un licenciement ? L'étude de la jurisprudence laisse apparaître une réelle incertitude quant à la réponse.

Le seul retard du salarié dans l'accomplissement de ces formalités ne semble pas constituer, en soi, un juste motif de rupture 1 . Les juges du fond s'attachent aux circonstances, liées, le cas échéant, à une difficulté physique ou matérielle de se manifester le plus rapidement possible. Ainsi, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, lorsque l'employeur est informé de l'arrêt de travail 6 jours après l'absence du salarié, celui-ci étant responsable du retard de son courrier pour l'avoir posté non affranchi 2 . Plus avant, une attitude désinvolte du salarié sera lourdement sanctionnée. Celui qui, en arrêt depuis plus de deux ans, n'informe pas l'entreprise, pendant plus de six mois, des prolongations prescrites 3 , qui ne défère pas à la mise en demeure de l'employeur sur la remise de documents médicaux justifiant l'absence 4 , ou qui ignore les convocations de se présenter à la visite de reprise devant le médecin du travail 5 , commet une faute grave privative des indemnités de licenciement et de préavis.

On voit bien que si le seul motif pris du retard ou de l'absence d'envoi de l'arrêt de travail peut sembler insuffisant ("en soi") à justifier la résiliation du contrat, il en va différemment lorsque les circonstances entourant l'absence du salarié témoignent d'un comportement cavalier, laissant l'employeur dans l'ignorance de la situation et dans une totale incertitude. Une cour d'appel qui relève qu'en l'espace de 15 jours, le salarié a été absent à deux reprises sans fournir aucune explication, et qu'il a remis, avec retard, un certificat médical pour une autre absence dont il n'avait même pas avisé l'employeur, peut décider que ce comportement rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis 6 . En revanche, la qualification de faute grave ne peut valablement être invoquée par un employeur qui reproche à sa salariée de ne pas lui avoir envoyé le duplicata de la prescription médicale, dans la mesure où il résulte de cette demande sa connaissance de l'existence du document attestant la maladie 7 .

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La jurisprudence est moins incertaine dans l'hypothèse d'une omission de justification d'une prolongation d'un arrêt de travail, puisque l'employeur a été informé de la cause de l'absence du salarié par la remise d'un certificat médical initial. Un tel argument, tiré d'une absence injustifiée, ne peut prospérer. Ce motif ne constitue ni une cause de licenciement 8 , ni, a fortiori, une faute grave 9 , sauf si l'employeur a déjà du réclamer, à plusieurs reprises, l'arrêt de travail initial, et s'est trouvé confronté à d'importantes difficultés d'organisation du fait du comportement volontaire du salarié 10 .

Attention. Comme dans tout domaine, la précipitation peut conduire à l'erreur. Le notaire considérerait, à tort, comme démissionnaire, le salarié qui ne reprendrait pas son travail, ou qui ne l'aviserait pas de son état de santé. L'inexécution de ses obligations par le salarié constitue une faute que le notaire peut sanctionner, au besoin par un licenciement disciplinaire, mais ce manquement contractuel n'entraîne pas, à lui seul, la rupture du contrat de travail, " qui se trouve toujours suspendu, en l'absence de licenciement" 11 .

Par ailleurs, la jurisprudence a, de longue date, dégagé le principe selon lequel la transmission du certificat médical entraîne une présomption de la réalité de l'indisponibilité du salarié. S'agissant d'une présomption simple, l'employeur est alors admis à rapporter la preuve de l'inexistence de la maladie invoquée; la prise en charge de la maladie par l'organisme de sécurité sociale demeurant sans incidence. A ce sujet, on signalera qu'à défaut de preuve que le certificat n'est, en réalité, qu'un certificat de complaisance, la rupture prononcée par l'employeur lui est imputable 12 .

B - le contrôle patronal de l'indisponibilité du salarié

L'article 21 de la convention collective du notariat dispose, in fine, que " l'employeur peut demander, à ses frais, une contre-visite ou faire état, le cas échéant, des résultats de celle qu'auraient fait effectuer, pendant la cessation de travail, tous organismes d'assurance ou de prévoyance auquel l'intéressé serait affilié". La loi de mensualisation du 19 janvier 1978 ne prévoit un décret en Conseil d'Etat que pour déterminer, " en tant que besoin", les modalités de son application ainsi que " les formes et conditions de la contre-visite" mentionnée par l'accord interprofessionnel du 10 décembre 1977. Selon la Cour de cassation, Page 11 " le fait que le décret ne soit pas intervenu ne peut entraver l'application de l'accord". Il en ressort une absence de contestation de la licéité de la contre-visite par la jurisprudence. Les conditions d'application de cette mesure patronale ont été dégagées par les juges.

L'employeur, tenu au versement d'une indemnisation complémentaire en vertu d'une disposition conventionnelle, a la faculté de faire pratiquer une contre-visite par le médecin de son choix. D'une part, l'article 20 de la convention collective du notariat institue une garantie de salaire par le versement d'un complément des indemnités journalières de la sécurité sociale. D'autre part, la contre-visite est une condition du versement desdites prestations complémentaires de maladie. Cependant, le notaire peut décider, ou non, de faire effectuer un contrôle médical portant sur la durée de l'arrêt de travail ou sur l'opportunité de celui-ci.

Certaines circonstances sont de nature à faire perdre au salarié l'avantage institué en sa faveur. En effet, l'absence du salarié à son domicile lors du passage du médecin-contrôleur...

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