CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 14/04/2022, 19VE03926

Presiding JudgeM. BRESSE
Judgement Number19VE03926
Record NumberCETATEXT000045588307
Date14 avril 2022
CounselPWC SOCIETE D'AVOCATS
CourtCour administrative d'appel de Versailles (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Société Générale a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, l'augmentation du stock de ses déficits reportables à la clôture ces exercices à hauteur de, respectivement, 11 436 044, 15 106 768 et 3 512 051 euros, de prononcer la restitution des cotisations à l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquels elle a été assujettie, à hauteur de montants de, respectivement, 4 345 697, 5 740 571 et 1 334 580 euros, et de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1803074 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 27 novembre 2019, 3 août et 15 décembre 2020, et 14 et 27 septembre 2021, la SA Société Générale, représentée par Mes Cassan-Meier et Poncelet, avocates, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1° d'annuler ce jugement ;
2° à titre principal, de prononcer les augmentations du stock de ses déficits reportables et les restitutions demandées, ainsi qu'en conséquence, le bénéfice du droit à l'augmentation des créances de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi de 2013 et de crédit d'impôt pour dépenses de recherche 2014 imputées sur l'impôt sur les sociétés et à leur remboursement pour ce montant, et, à défaut de restitution des contributions additionnelles à cet impôt, le report des crédits d'impôt étranger pour ces mêmes montants ;
3° à titre subsidiaire, de prononcer, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, l'augmentation du stock de ses déficits reportables à la clôture ces exercices à hauteur de, respectivement, 5 141 831 et 80 415 euros, de prononcer la restitution des cotisations à l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquels elle a été assujettie, à hauteur de montants de, respectivement, 1 953 896 et 30 558 euros, ainsi qu'en conséquence, le bénéfice du droit à l'augmentation des créances de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi de 2013 imputées sur l'impôt sur les sociétés et à leur remboursement pour ce montant, et, à défaut de restitution des contributions additionnelles à cet impôt, le report des crédits d'impôt étranger pour ces mêmes montants ;
4° de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, le tribunal a commis une erreur de droit et entaché son jugement d'une contradiction de motifs ;
- la différence de traitement entre sociétés mères françaises selon qu'elles perçoivent des dividendes de filiales établies dans un pays tiers ou de filiales établies en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne, s'agissant de la réintégration de la quote-part de frais et charges, traduit une discrimination incompatible avec les articles 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et 14 de cette convention ; en effet, le régime la neutralisation de la réintégration de cette quote-part est par nature sans rapport avec le régime d'intégration fiscale, lequel ne peut donc justifier la différence de traitement identifiée ; il en va de même du critère de localisation géographique de la filiale distributrice ;
- l'ancien alinéa 2 de l'article 223 B du code général des impôts est incompatible avec la libre circulation des capitaux, tel qu'interprété à l'issue d'un examen de compatibilité avec la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents et le principe d'égalité du droit de l'Union européenne ; en effet, dès lors que, compte tenu du principe d'égalité inscrit aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le bénéfice de la neutralisation de la réintégration de la quote-part doit être étendu à l'ensemble des dividendes relevant du régime des sociétés mères organisé par les articles 145 et 216 du code général des impôts qui proviennent d'un autre État membre de l'Union européenne, il en résulte une discrimination par ricochet préjudiciable aux dividendes trouvant leur source hors de l'Union, incompatible avec la libre circulation des capitaux et l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à solliciter la décharge des impositions acquittées au titre de la quote-part afférente aux dividendes, éligibles au régime des sociétés mères, reçus de filiales intégrables établies dans un autre État membre de l'Union européenne et de celles acquittées au titre des dividendes, non éligibles au régime des sociétés mères, reçus de filiales intégrables établies dans un autre État membre de l'Union européenne, lesquelles avaient été omises des moyens précédemment développés, leurs taxations étant incompatibles avec la liberté d'établissement garantie par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par cinq mémoires en défense, enregistrés les 27 avril et 15 octobre 2020, et 26 juillet, 23 septembre et 11 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :
- s'agissant des conclusions présentées à titre principal, les montants de quote-part dont la neutralisation est réclamée ne correspondent pas à 5% des dividendes en litige, le dégrèvement d'impôt sur les sociétés se traduirait par un rétablissement des créances initialement imputées sur cet impôt et le dégrèvement des contributions sociale et exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés ne pourrait donner lieu à restitution que sous réserve que ces montants ne soient pas déjà déchargés ;
- s'agissant des conclusions présentées à titre subsidiaire, les mêmes remarques peuvent être formulées ;
- les moyens soulevés par la SA Société Générale ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital (ensemble un protocole), signée à Londres le 19 juin 2008 ;
- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;
- la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt C-35/11 de la Cour de justice de l'Union européenne du 13 novembre 2012 ;
- l'arrêt C-48/13 de la Cour de justice de l'Union européenne du 17 juillet 2014 ;
- l'arrêt C-386/14 de la Cour de justice de l'Union européenne du 2 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Deroc,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me Cassan-Meier, avocate de la SA Société Générale.


Considérant ce qui suit :

1. La SA Société Générale est la société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, auquel appartiennent notamment les sociétés Généfinance et ALD International. Au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, ces trois sociétés ont perçu de leurs filiales détenues à plus de 95% établies dans des États situés hors de l'Union européenne (UE), des dividendes placés sous le régime fiscal des sociétés mères prévu aux articles 145, 146 et 216 du code général des impôts. Conformément à ce dernier article, ces dividendes ont été retranchés du résultat fiscal de la société mère sous déduction d'une quote-part de frais et charges. Cette quote-part dès lors qu'elle était afférente aux dividendes perçus de filiales établies hors UE, n'a pas été déduite du résultat fiscal d'ensemble soumis à l'impôt sur les sociétés et donc neutralisée en application de l'alinéa 2 de l'article 223 B du même code, dans sa version applicable. Par trois réclamations des 28...

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