CAA de PARIS, 2ème chambre, 13/04/2022, 19PA01644, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme BROTONS
Date13 avril 2022
Record NumberCETATEXT000045580139
Judgement Number19PA01644
CounselCMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ST Dupont a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et majorations, du complément de cotisation minimale de taxe professionnelle auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009, des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, et, d'autre part, de rétablir son déficit reportable déclaré.

Par les articles 1er à 3 d'un jugement n° 1620873/1-3 et n° 1705086/1-3 du 20 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a partiellement déchargé la société ST Dupont, en droits et majorations, du complément de cotisation minimale de taxe professionnelle auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009, des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et de la retenue à la source et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, dans la mesure où ces droits et majorations résultaient des rectifications effectuées au titre de la redevance de licence facturée par la société ST Dupont à la société ST Dupont Marketing, rétabli le déficit reportable au 31 mars 2011, dans la mesure où il avait été réduit à raison des mêmes rectifications, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par l'article 4 du même jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des demandes de la société ST Dupont.


Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 mai 2019, 21 novembre 2019 et 30 avril 2020, la société ST Dupont, représentée par Me Arnaud Le Boulanger et Me Benoît Bailly, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement n° 1620873/1-3 et n° 1705086/1-3 du 20 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et le rétablissement de son déficit reportable déclaré dans son intégralité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


La société ST Dupont soutient que :
- en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et de l'article 209 du code général des impôts, l'administration ne pouvait contrôler les déficits provenant d'exercices prescrits reportés sur les exercices déficitaires non prescrits vérifiés, ce que confirment les bulletins officiels des impôts BOI-IS-DEF-10-20 n° 270 et n° 280 du 3 juin 2013 et BOI-CF-PGR-10-20 n° 180 et n° 190 du 3 février 2016 ;
- la position de l'administration entraîne une rupture d'égalité au regard de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne disposait pas d'éléments suffisants lui permettant de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales ;
- dès lors qu'elle a répondu aux demandes d'informations et de documents, l'administration, qui n'a pas appliqué l'amende prévue au II de l'article 1735 du code général des impôts, n'était pas fondée à évaluer ses bases d'imposition à partir des éléments dont elle disposait, en se fondant sur le 3ème alinéa de l'article 57 du code général des impôts ;
- la méthode de détermination de ses prix de transfert justifie de leur normalité, ce que confirment la doctrine référencée BOI-CF-IOR-60-50 n° 410, n° 430 et n° 460 et BOI-BIC-BASE-80-20 n° 360 du 12 septembre 2012 et le paragraphe 3.9 des principes de l'OCDE applicables aux prix de transfert ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence et du montant d'un transfert indirect de bénéfices par la méthode du prix comparable sur le marché libre qu'elle a employée ;
- le recours à la méthode du prix comparable sur le marché libre n'est pas pertinente, ce que confirment l'instruction référencée BOI-BIC-BASE-80-10 du 12 septembre 2012 et les principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert ;
- alors que ses pertes s'expliquent par un contexte économique difficile, l'administration compare des sociétés qui ont un profil fonctionnel différent, ne tient pas compte des différences relatives aux marchés géographiques, compare des transactions dont les volumes ne sont pas comparables, vicie sa méthode en incluant des transactions avec des boutiques " duty free " et ne prend pas en compte les prestations de services attachées aux produits vendus.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 octobre 2019, 6 avril 2020 et 7 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par la société ST Dupont ne sont pas fondés.


Par une ordonnance du 8 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2020.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Le Boulanger et Me Bailly, avocats de la société ST Dupont.




Considérant ce qui suit :


1. La société ST Dupont, qui exerce une activité de maître orfèvre, laqueur et malletier et est détenue majoritairement par la société néerlandaise D et D International détenue en totalité par la société Broad Gain Investments Ltd située à Hong-Kong, est l'actionnaire unique de filiales de distribution situées à l'étranger, notamment de la société ST Dupont Marketing située à Hong-Kong. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au terme de laquelle des propositions de rectification des 20 décembre 2012, interruptive de prescription, et 26 août 2013 lui ont été notifiées. L'administration a alors estimé que les prix auxquels étaient facturés les produits vendus par la société ST Dupont à la société ST Dupont Marketing et le montant des redevances de licence de fabrication concédée à cette société étaient inférieurs aux prix de pleine concurrence et a ainsi rehaussé les résultats et la valeur ajoutée de la société ST Dupont à concurrence de ces renonciations à recettes. Au terme de la procédure, l'administration a rectifié les déficits déclarés par la société ST Dupont en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et l'a assujettie à la retenue à la source au titre de chacun de ces exercices, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts, ainsi qu'à un complément de cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de l'exercice clos en 2009 et à un complément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011. La société ST Dupont relève appel du jugement du 20 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après l'avoir déchargée, en droits et majorations, des impositions en litige résultant des rectifications notifiées au titre de la redevance de licence facturée par elle à la société ST Dupont Marketing et avoir rétabli le déficit reportable au 31 mars 2011, dans la mesure où il avait été réduit à raison de ces mêmes rectifications, a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur l'étendue du droit de contrôle et de rectification de l'administration :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour (...) l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, issue de l'article 89 de la loi de finances pour 2004 n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 : " I. (...) En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté dans les mêmes conditions sur les exercices suivants (...) ".

3. Ainsi que le reconnaît la société ST Dupont, l'administration peut exercer son droit de contrôle pour rectifier des déficits déclarés au titre des exercices non prescrits, conformément à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, et remettre en cause à cette occasion des déficits nés au cours d'exercices prescrits dès lors qu'ils ont été imputés par l'entreprise sur les résultats d'un exercice non prescrit. Ainsi, aux termes mêmes de l'article 209 du code général des impôts, lorsque le déficit subi par une entreprise est reporté sur les résultats d'un des exercices suivants, la déduction en est opérée à titre de charge de cet exercice et, par suite, ce déficit peut faire l'objet d'une rectification même s'il a été subi au cours d'un exercice prescrit. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société ST Dupont, le report de déficits résultants d'exercices antérieurs prescrits sur des exercices déficitaires non prescrits, sans limitation de temps en application de l'article 209 du code général des impôts, ne relève pas d'une simple...

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