CAA de NANTES, 1ère chambre, 09/09/2021, 19NT04286, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. BATAILLE
Record NumberCETATEXT000044041250
Judgement Number19NT04286
Date09 septembre 2021
CounselCMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Bouygues TP a demandé au tribunal administratif de Caen d'enjoindre à l'administration fiscale de produire l'original de l'enveloppe d'envoi à la société Atlanco Limited des deux avis de mise en recouvrement émis le 31 mars 2015 et de prononcer la décharge des sommes qui lui ont été réclamées sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts et correspondant à une quote-part des sommes dues par la société Atlanco Limited au Trésor public, soit 2 163 925 euros.

Par un jugement nos 1700215, 1700690, 1800764, 1802642 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a prononcé cette décharge (article 1er), a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction (article 2) et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 novembre 2019, 7 juillet 2020,
27 août 2020, 23 septembre 2020 (non communiqué), 28 décembre 2020 et 21 avril 2021(non communiqué), le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SA Bouygues TP la somme de 2 163 925 euros ;

Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a considéré que l'avis de mise en recouvrement n'avait pas été régulièrement notifié à la société Atlanco Limited et a fait droit à la demande de la société Bouygues TP pour ce motif ;
- les moyens soulevés en première instance par la société Bouygues TP ne sont pas fondés ;
- la mise en œuvre de la procédure de solidarité financière visée à l'article 1724 du code général des impôts respecte les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et les charges publiques ;
- les conditions légales nécessaires à la mise en œuvre de cet article ne sont pas réunies ;
- l'étendue des impositions réclamées ne crée pas de discrimination contraire aux normes constitutionnelles et communautaires ;
- la société Atlanco Limited disposait en France d'un établissement stable ;
- la société Bouygues TP n'est pas le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux opérations réalisées avec la société Atlanco Limited ;
- si la taxe sur la valeur ajoutée a déjà été auto-liquidée par la société Bouygues TP, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que soit mise à sa charge une quote-part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Atlanco Limited ;
- le quantum des impositions réclamé n'est pas erroné.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 11 février 2020,
31 juillet 2020, 14 septembre 2020 et 10 février 2021, la société anonyme (SA) Bouygues TP, représentée par Me Bidegainberry et Me Berger-Picq, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

A titre principal :
- les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés ; l'avis de mise en recouvrement adressé à la société Atlanco Limited n'a pas été régulièrement notifié à cette société ;
- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 190, 200 et 2010 de l'instruction administrative référencée BOI-REC-PREA-10-10-20-20120912 ;

A titre subsidiaire :
- la mise en œuvre de la procédure de solidarité financière visée à l'article 1724 du code général des impôts ne respecte pas les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et les charges publiques ;
- les conditions légales nécessaires à la mise en œuvre de cet article ne sont pas réunies ;
- l'étendue des impositions réclamées crée une discrimination contraire aux normes constitutionnelles et communautaires ;

A titre infiniment subsidiaire :
- en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, la société Atlanco Limited ne disposait pas d'un établissement stable en France ;
- en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, celle-ci était due par la société Bouygues TP et ne l'était pas par la société Atlanco Limited ; le principe de proportionnalité s'oppose à réclamer deux fois le même montant de taxe sur la valeur ajoutée à la société Bouygues TP ;
- le quantum des impositions réclamé est erroné.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Chypre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 18 décembre 1981 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bidegainberry et Me Berger-Picq, pour la société Bouygues TP.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de sa participation à la construction des infrastructures du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville, dans la Manche, la société anonyme (SA) Bouygues TP a eu recours à des sous-traitants, et notamment la société de droit chypriote Atlanco Limited dont le siège social est situé à Nicosie. Après avoir constaté que la société Atlanco Limited avait exercé un travail dissimulé, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de la Manche a estimé que la société Bouygues TP n'avait pas respecté son obligation de vigilance prévue par les articles L. 8222-1 et suivants du code du travail. L'Urssaf a alors, le 26 juillet 2011, dressé à l'encontre de la SA Bouygues TP un procès-verbal de travail dissimulé.

2. A la suite d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du
1er janvier 2003 au 31 décembre 2012, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 30 septembre 2014, décidé de mettre à la charge de la société Atlanco Limited des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de formation professionnelle continue, d'impôt sur les sociétés, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de retenue à la source relative aux bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères. Ces impositions ont été mises en recouvrement le 31 mars 2015. En l'absence de paiement par la société Atlanco Limited, l'administration fiscale a, par lettre du 4 août 2016, informé la SA Bouygues TP qu'en application de l'article 1724 quater du code général des impôts, un avis de mise en recouvrement allait lui être adressé en vue du paiement des sommes dues par la société Atlanco Limited, au prorata du chiffre d'affaires réalisé par ce sous-traitant avec son donneur d'ordre, la SA Bouygues TP. Cet avis de mise en recouvrement a, le 12 septembre 2016, mis à la charge de la SA Bouygues TP une somme de
2 163 925 euros. Après rejet de ces réclamations, la...

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