CAA de DOUAI, 4ème chambre, 12/07/2022, 20DA01163, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. Heu
Judgement Number20DA01163
Record NumberCETATEXT000046060972
Date12 juillet 2022
CounselBABELA
CourtCour administrative d'appel de Douai (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Groupe Mercurys Finance a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2015, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des amendes mises à sa charge sur le fondement des articles 1788 A, 1737 et 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1802434 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, prononcé la décharge des intérêts de retard afférents à un rappel de droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 69 614 euros, d'autre part, substitué la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts à la majoration de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. du même article, dont avaient été assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la réintégration de dépenses déduites en tant que charges d'exploitation et de la rectification des déductions de taxes y afférentes, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 août 2020, le 21 mai 2021 et le 15 juin 2021, la SARL Groupe Mercurys Finance, représentée par la société d'avocats Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les dépenses d'entretien de véhicules dont l'administration a remis en cause la déductibilité en tant que charges d'exploitation se rapportent à des véhicules que son gérant a mis gratuitement à la disposition de l'entreprise, afin qu'ils soient utilisés par ses commerciaux, ainsi que ceux-ci en attestent, ces véhicules étant plus adaptés que ceux de sa flotte professionnelle, lesquels étaient d'ailleurs souvent indisponibles ; elle était également fondée à prendre en charge des dépenses de réparation d'un véhicule appartenant à un apporteur d'affaires ; les véhicules ainsi mis à sa disposition étaient d'ailleurs assurés contre les risques liés à une utilisation professionnelle ; la prise en location de ces véhicules aurait constitué pour l'entreprise une charge plus onéreuse que le simple entretien de véhicules mis gratuitement à sa disposition, de sorte que la charge supportée à ce titre répond à son intérêt ; dans ces conditions, ces dépenses, dont la réalité est justifiée par des factures régulières, constituent des charges déductibles ; le paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2016 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40 conforte sa position sur ce point ;
- l'administration a remis en cause, également à tort, la déductibilité, en tant que charges, des achats de matériel électrique effectués par elle auprès de la société B..., alors que ces achats lui ont bénéficié, comme il en est attesté, quand bien même les factures correspondantes comportent la dénomination d'une autre société, à la suite d'une erreur commise par ce fournisseur ; le paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2016 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40 conforte sa position sur ce point ;
- les dépenses de carrelage qu'elle a exposées en lien avec cette opération répondent aussi à l'intérêt de l'entreprise ;
- l'administration n'était pas davantage fondée à remettre en cause la déductibilité, en tant que charges, des sommes versées à un ancien collaborateur, qui a réalisé, à deux reprises, des prestations de maintenance de son système informatique, comme en attestent plusieurs de ses salariés ; si cet ancien collaborateur, qui n'est pas un professionnel, ne peut délivrer des facture, il a valablement établi deux documents, dans lesquels il atteste des prestations qu'il a réalisées et des sommes qu'il a perçues à ce titre ; ce type de justificatif est admis par le paragraphe n°1 de la doctrine administrative publiée le 19 mai 2014 sous la référence BOI-BIC-CHG-10-20-20, tandis que les doctrines administratives publiées sous les références BOI-CF-IOR-10-20 et BOI-CF-IOR-50-20 recommandent à l'administration de faire preuve d'un certain réalisme économique ;
- le dégrèvement, prononcé le 25 mai 2018, soit antérieurement à la saisine du tribunal administratif, d'une somme de 69 614 euros en droits a mis fin au litige en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
- les premiers juges, pour prononcer la décharge des intérêts de retard établis sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 69 614 euros qui a fait l'objet d'un dégrèvement avant la saisine du tribunal administratif, ont estimé, à juste titre, que ces intérêts n'avaient eux-mêmes pas été dégrevés ;
- il appartiendra si la cour, si elle accueille son argumentation en ce qui concerne le caractère de charges déductibles des dépenses dont la déduction a été remise en cause par l'administration, d'en tirer les conséquences en matière d'intérêts de retard et de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises ;
- c'est à tort que l'administration a mis à sa charge l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, pour non désignation du bénéficiaire d'une distribution qui n'est, en réalité, pas intervenue, dès lors que sa cliente n'a pas réglé le prix du véhicule électrique que celle-ci a directement acquis, à son insu, auprès d'un fournisseur ; en outre, elle a répondu, dans le délai imparti et dans des termes suffisamment précis, à la demande de désignation du bénéficiaire que l'administration lui a adressée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, sans qu'il soit nécessaire qu'elle obtienne un contreseing de la personne désignée ; la doctrine publiée le 22 août 2017 sous la référence BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 conforte, en son paragraphe n°360, sa position sur ce point ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle se serait livrée, à l'occasion de la vente d'un véhicule électrique, à des manœuvres frauduleuses de nature à justifier l'application de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts, alors qu'elle n'a mis en œuvre aucun procédé destiné à masquer la vente directe de ce véhicule, par un fournisseur, à sa cliente ; s'il peut lui être reproché d'avoir, à cette occasion, fait preuve d'incurie, cette circonstance ne suffit pas à caractériser des manœuvres frauduleuses ; par ailleurs, ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif, l'administration n'a pas apporté la preuve de manœuvres frauduleuses en ce qui concerne la remise en cause de charges non justifiées, l'absence de justificatif n'étant pas suffisante à cet égard ;
- la déduction de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a opérée sur une acquisition intracommunautaire résulte d'une erreur de sa part et ne saurait suffire à l'administration, même lorsque cette erreur concerne l'enregistrement d'une facture régulièrement établie, à apporter la preuve, qui lui incombe, d'une intention de sa part d'éluder l'impôt ; cette erreur, qui n'a d'ailleurs causé aucun préjudice au Trésor public, aurait dû seulement justifier le prononcé de l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts ; la doctrine administrative publiée le 13 mai 2013 sous la référence BOI-BIC-BASE-40-10 conforte, en son paragraphe n°20, sa position sur ce point, de même que la doctrine administrative publiée le 8 mars 2017 sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20, en son paragraphe n°30 et la doctrine administrative publiée le 6 mai 2015 sous la référence BOI-CF-INF-20-20, en son paragraphe n°90 ;
- l'administration n'apporte pas davantage cette preuve, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, s'agissant des sommes versées par elle à son ancien collaborateur ; en particulier, l'absence de justification ne peut suffire à établir une intention délibérée d'éluder l'impôt et l'absence de facture ne peut suffire à établir une absence de justification d'une opération comptable ;
- c'est à tort que l'administration lui refuse, malgré sa demande, le bénéfice de la cascade complète prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut, d'une part, au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 16 636 euros et au rejet du surplus des conclusions de la requête, d'autre part, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il prononce la décharge d'une partie des intérêts de retard mis à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance et qu'il substitue la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts à celle de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. du même article, et à ce que ces intérêts de retard et cette majoration soient remis à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance.

Il soutient que :
- l'administration était fondée à remettre en cause la déduction, par la SARL Groupe Mercurys Finance, en tant que charges de l'entreprise, de dépenses d'entretien de deux véhicules appartenant au gérant de cette société et d'un véhicule appartenant à un ancien salarié...

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