CAA de BORDEAUX, 1ère chambre - formation à 3, 20/12/2018, 16BX03232, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme GIRAULT
Record NumberCETATEXT000037851783
Judgement Number16BX03232
Date20 décembre 2018
CounselCABINET CABANES
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Bordeaux devenue Bordeaux Métropole a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part et à titre principal, de condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs les sociétés Systra, TDC SAS, Ingerop Sud-Ouest, l'agence d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo, l'agence Signes, la société Muller TP, la société Siorat, et la société Rocamat Pierres naturelles à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait des désordres affectant le revêtement du cours de l'Intendance et de la place de la Comédie à Bordeaux et de lui verser en conséquence la somme de 3 054 627,12 euros TTC, d'autre part, et à titre subsidiaire, de condamner in solidum pour manquement à leur devoir de conseil, les maîtres d'oeuvre du projet soit les sociétés Systra, TDC SAS, Ingerop Sud-Ouest, l'agence d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo et l'agence Signes à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait des désordres affectant le revêtement du cours de l'Intendance et de lui verser en conséquence la somme de 3 054 627,12 euros TTC.

Par un jugement n° 1302032 du 25 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 septembre 2016, le 21 juin 2018 et le 20 août 2018, Bordeaux Métropole, représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1302032 du 25 juillet 2016 ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Systra, TDC SAS, Ingerop Sud-Ouest, Brochet-Lajus-Pueyo, Signes, NGE, Rocamat Pierres Naturelles et Me B...ès qualité de liquidateur de la société Muller TP à lui verser une somme de 2 938 569,42 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2013, ces intérêts devant être capitalisés à chaque échéance annuelle pour former eux-mêmes intérêts ;

3°) d'ordonner si nécessaire avant dire droit une nouvelle expertise concernant la place de la Comédie ;

4°) de condamner solidairement les sociétés Systra, TDC SAS, Ingerop Sud-Ouest, Brochet-Lajus-Pueyo, Signes, NGE, Rocamat Pierres Naturelles et Me B...ès qualité de liquidateur de la société Muller TP à lui verser une somme de 29 291 euros au titre des frais d'expertise ;

5°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Systra, TDC SAS, Ingerop Sud-Ouest, Brochet-Lajus-Pueyo, Signes, NGE, Rocamat Pierres Naturelles et Me B...ès qualité de liquidateur de la société Muller TP une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal, en refusant l'engagement de la responsabilité des constructeurs sur un fondement décennal au motif que les désordres ne seraient pas généralisés et ne porteraient pas atteinte à la sécurité des usagers, a commis deux erreurs de droit alors que la jurisprudence ne subordonne pas l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs au caractère général et permanent des désordres constatés ; la jurisprudence admet par ailleurs que la seule circonstance que les désordres soient susceptibles de menacer la sécurité des personnes les fait entrer dans le champ de la garantie décennale ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la totalité des dalles du cours de l'Intendance et de la place de la Comédie devront être déposées, pour certaines remplacées, puis reposées ; c'est au regard du caractère selon lui évolutif et généralisé des désordres que l'expert a préconisé le remplacement de toutes les dalles ; le caractère évolutif des désordres n'a pu être limité que par des interventions régulières des services de la métropole, ainsi qu'en attestent le détail des réparations effectuées en régie ;
- la responsabilité contractuelle des constructeurs est susceptible d'être engagée, que ce soit de façon spécifique au titre du devoir de conseil des maîtres d'oeuvre, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ou de façon plus générale au titre de la méconnaissance de leurs obligations contractuelles ;
- le caractère ou non apparent des désordres à la réception est sans incidence sur l'étendue de la responsabilité des maîtres d'oeuvre au titre de leur devoir de conseil dès lors que les maîtres d'oeuvre en ont eu connaissance au cours du chantier ;
- lorsque les conditions de mise en oeuvre de la garantie décennale ne sont pas réunies, le maître d'ouvrage perd certes le bénéfice de la présomption de responsabilité tirée des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, mais il doit être considéré comme conservant la possibilité d'engager la responsabilité contractuelle pour faute des constructeurs, dans les conditions de droit commun ; cette faute peut consister en un manquement aux règles de l'art ou une méconnaissance du devoir de conseil des constructeurs ;
- l'expert a clairement indiqué dans son rapport qu'il n'existait pas de plan de calepinage, que les factures de livraison de mortier ne comprenaient pas de mortier de résine prescrit pour les dalles de rives, que le mortier mis en oeuvre n'avait pas la consistance demandée au CCTP et qu'aucun joint de dilatation n'avait été mis en oeuvre ; la responsabilité contractuelle des entreprises est à ce titre acquise ; il en va de même du fournisseur des dalles, qui aurait dû formuler toute réserve utile au titre de la destination finale des matériaux au titre de son devoir de conseil ; pour les mêmes raisons, les maîtres d'oeuvre ont manqué à leur devoir tant au titre de la rédaction des documents techniques contractuels, notamment en omettant les joints de dilatation prescrits par la norme NF P98-335, qu'au titre de leur mission de direction, contrôle et surveillance des travaux, et en particulier des matériaux appliqués ; les maîtres d'oeuvre n'ont pas procédé aux contrôles adéquats alors même que l'absence de collage aurait dû être décelée ;
- le maître d'oeuvre engage sa responsabilité pour ne pas avoir conseillé au maître d'ouvrage de réceptionner les travaux et il est à ce titre indifférent, contrairement à ce qu'ont retenu les juges de première instance, que les désordres aient ou non présenté un caractère apparent à la réception ;
- le délai de prescription de droit commun ayant été ramené en matière contractuelle de trente (art. 2262 ancien du code civil) à cinq ans (art. 2224 nouveau du code civil), l'action de la Métropole était au plus tôt prescrite, en vertu du II de l'article 26 de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, au 19 juin 2013 ; la requête de première instance a été introduite par la Métropole le 7 juin 2013 ;
- les dalles ne constituent pas des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage et ne relèvent pas de la garantie biennale ;
- le coût des travaux de reprise pour le cours de l'Intendance a été évalué par l'expert à 893 650,88 euros TTC alors que pour la place de la Comédie, le coût s'élève à 306 278 euros TTC ; si la cour estimait ne pouvoir se prononcer sur la place de la Comédie qui n'a pas fait l'objet d'une expertise, elle devrait ordonner une expertise complémentaire ; pour la réalisation de joints de dilatation, le coût peut être évalué à la somme de 30 886 euros TTC ; la somme correspondant à l'acquisition des nouvelles dalles peut être évaluée à 596 185,92 euros TTC en incluant les frais de contrôle ; compte tenu de l'actualisation, le préjudice doit être porté à la somme de 2 217 480,62 euros TTC ; à cette somme doit être ajoutée le coût de surveillance du chantier pour un montant de 258 508, 80 euros TTC ; le montant des indemnisations versées aux riverains et professionnels peut être estimé à la somme de 330 000 euros et les pertes d'exploitation du délégataire seront indemnisées à hauteur de la somme de 132 580 euros ; les constructeurs devront aussi rembourser les frais qu'elle a avancés pour la réalisation du constat et de l'expertise, et qui se sont élevés à la somme de 29 291 euros ;
- contrairement à ce que soutient la société Systra, les dalles de revêtement de voirie ne peuvent être regardées comme des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage, dont ils sont au contraire un élément constitutif ;
- le défaut de mise en oeuvre du mortier de pose n'est pas étranger à l'intervention des maîtres d'oeuvre, quoi qu'en dise la société Ingerop ; la mission de maîtrise d'oeuvre était complète ;
- le tableau établi par l'expert qui dresse l'inventaire des réparations permet d'apprécier l'étendue des désordres ; les désordres en litige sont situés hors " gabarit limite d'ouvrage " (GLO) et il ne peut être raisonnablement soutenu que la circulation du tramway exclurait toute qualification décennale des désordres ;
- les causes exonératoires avancées par les défendeurs ne sont pas sérieuses ; ce sont les interventions de reprise récurrentes de Bordeaux Métropole qui ont empêché tout sinistre ; l'inadaptation potentielle du mode de pose au trafic réel, contestée, est en toute hypothèse à imputer au maître d'oeuvre et à l'entreprise, et non au maître d'ouvrage ; Bordeaux Métropole n'a nullement imposé de son seul chef le choix des matériaux auquel ont participé les maîtres d'oeuvre ;
- l'installation des joints de dilatation a été qualifiée d'indispensable par l'expert et il a simplement omis de les ajouter à son chiffrage ;
- aucun coefficient de vétusté ne sera appliqué dès lors que la vétusté doit s'apprécier à la date d'apparition des premiers désordres, seulement trois ans après la réception ;
- la condamnation sera prononcée toutes taxes comprises, s'agissant de l'activité des services administratifs de la collectivité ;
- un rapport d'expertise même non contradictoire peut toujours être pris en compte par le juge ;
- le représentant du groupe Rocamat a expressément indiqué que la société Cominex avait disparu et qu'il convenait de se tourner vers la société Rocamat...

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