Avis n° HCFP-2022-2 du 4 juillet 2022 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2022

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0161 du 13 juillet 2022
Record NumberJORFTEXT000046041093
Date de publication13 juillet 2022
CourtHAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES
Enactment Date04 juillet 2022


Synthèse


Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement de l'article liminaire du premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 le 29 juin 2022, en vue de rendre un avis deux jours plus tard. Un tel délai, nullement justifié par l'urgence, est très réduit au regard de la complexité du contexte macroéconomique et de l'ampleur des mesures contenues dans ce PLFR. Il rend particulièrement difficile l'exercice par le HCFP du mandat qui lui est confié par la loi organique.
Le Haut Conseil estime que la prévision de croissance pour 2022 du Gouvernement n'est pas hors d'atteinte mais est un peu élevée. L'inflation prévue pour 2022 paraît à l'inverse un peu sous-estimée. La prévision de croissance de la masse salariale pour 2022 est quant à elle plausible.
Le déficit public prévu par le Gouvernement s'établit à 5,0 points de PIB en 2022, stable par rapport à la loi de finances initiale (LFI), mais avec des recettes et des dépenses plus élevées de presque 60 Md€.
Cette prévision paraît affectée de risques essentiellement défavorables.
S'agissant des dépenses, les charges d'intérêts de la dette pourraient être accrues, notamment celles des titres de dette indexés sur l'inflation en raison d'une inflation plus élevée que prévu. Les dépenses de santé risquent aussi d'être plus élevées en raison de la récurrence des vagues épidémiques. Le coût de certains dispositifs tels que les boucliers tarifaires sur le gaz et sur l'électricité, sensible à l'évolution des prix de marché de l'énergie, est quant à lui entouré d'une grande incertitude, tant ces prix sont volatils.
S'agissant des recettes, la prévision repose sur une hypothèse de croissance spontanée des prélèvements obligatoires nettement supérieure à celle du PIB. Si celle-ci peut en partie se justifier par le dynamisme de la masse salariale et des prix à la consommation, le produit de certains prélèvements obligatoires (droits de mutation, impôt sur les sociétés, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) risque toutefois de pâtir davantage que prévu de la dégradation amorcée du marché immobilier, de celle des résultats des entreprises, ou encore d'une baisse accrue de la consommation de carburant.
Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel retenue dans le PLFR1 pour 2022 avec celle de la loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018 pour les années 2018 à 2022.
Le solde structurel présenté dans le PLFR1 pour 2022 (- 3,6 points de PIB potentiel) s'améliorerait de 0,8 point par rapport à 2021 grâce, exclusivement, à une croissance spontanée des prélèvements obligatoires très supérieure à celle du PIB. Il demeurerait toutefois dégradé de 2,8 points par rapport à celui inscrit dans la loi de programmation de janvier 2018, dont le Haut Conseil rappelle qu'elle constitue une référence dépassée.
La forte augmentation de la charge de la dette pour 2022 (+ 17,8 Md€) par rapport à la LFI rappelle que la plus grande vigilance doit être apportée à la soutenabilité à moyen terme des finances publiques. Si les conséquences économiques de la guerre en Ukraine et de la pandémie de Covid-19 peuvent justifier des mesures de soutien ponctuelles, des mesures de maîtrise de la dépense couplées à la recherche d'une plus grande efficacité de celle-ci devront rapidement être mises en œuvre pour réduire durablement le poids de la dette publique.


Observations liminaires


1. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 1er juillet 2022, le présent avis.


1. Sur le périmètre du présent avis


2. Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement, en application de l'article 15 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, de l'article liminaire du premier projet de loi de finances rectificative (PLFR1) pour 2022 pour rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques associées ainsi que sur la cohérence de ce projet de loi avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 (LPFP).


2. Sur les informations transmises et les délais


3. Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement, le 29 juin 2022, du cadrage macroéconomique et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques du PLFR1 pour 2022. Cette saisine a été accompagnée de réponses détaillées à un questionnaire qui avait été adressé au préalable par le Haut Conseil aux administrations compétentes.
4. Le Haut Conseil relève que la date prévisionnelle de saisine a été modifiée à plusieurs reprises et que la date définitive de celle-ci ne lui a été communiquée que très tardivement. Il a finalement été saisi par le Gouvernement le 29 juin 2022, pour un avis attendu deux jours plus tard. Un tel délai, nullement justifié par l'urgence, est très réduit au regard de la complexité du contexte macroéconomique et de l'ampleur des mesures contenues dans ce PLFR. Il rend particulièrement difficile l'exercice par le HCFP du mandat qui lui est confié par la loi organique.


3. Sur la méthode utilisée par le Haut Conseil


5. Afin d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de finances rectificative, le Haut Conseil s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations communiquées par le Gouvernement, dans sa saisine et dans les réponses aux questionnaires que le Haut Conseil lui a adressés.
6. Le Haut Conseil s'est également appuyé sur les dernières prévisions produites par d'autres organismes et institutions internationales et nationales : la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI), l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la Banque centrale européenne (BCE), l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la Banque de France et des instituts de conjoncture tels que Rexecode et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
7. Le Haut Conseil a procédé, comme le permet l'article 18 de la loi organique, à des auditions des représentants des administrations compétentes (direction générale du Trésor et direction du budget) et de l'INSEE ainsi que d'organismes et experts extérieurs à l'administration des finances (Banque de France, Rexecode, et OFCE).
8. Après une brève présentation du contexte général (I), le Haut Conseil formule son appréciation sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de loi de finances rectificative (II), puis sur les prévisions de finances publiques associées (III).


I. - De fortes tensions inflationnistes et le durcissement des politiques monétaires pèsent sur la croissance mondiale


9. La guerre en Ukraine et les confinements stricts associés à la politique zéro-Covid en Chine ont entraîné une nouvelle perturbation des chaînes d'approvisionnement mondiales et une hausse marquée des prix des matières premières au 1er semestre 2022, même si les cours de certaines d'entre elles ont légèrement reflué au printemps (l'aluminium depuis mars ou le blé depuis mi-mai par exemple).


Graphique 1. - Cours des matières premières en euros
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0161 du 13/07/2022, texte nº 177


Source : INSEE.


10. Ce renchérissement des matières premières, notamment énergétiques, soutient le revenu réel des pays exportateurs, mais pèse sur celui des économies importatrices, dont la France et ses partenaires européens. Il contribue à la hausse de l'inflation quasi générale à l'échelle mondiale depuis début 2021, entraînée par les perturbations des chaînes d'approvisionnement résultant de la crise sanitaire et du vif rebond de la demande, soutenue par les politiques budgétaires.
11. Aux Etats-Unis, les tensions du marché du travail, proche du plein emploi, conduisent à une forte hausse des salaires, qui entretient celle des prix à la consommation, en hausse de + 8,6 % sur un an en mai.
12. En zone euro, la hausse des prix à la consommation est aussi très forte (+ 8,6 % sur un an en juin). La hausse des prix des produits importés est renforcée par la dépréciation de l'euro, mais la diffusion de l'inflation aux salaires y reste plus contenue qu'outre-Atlantique, du fait de moindres tensions sur les marchés du travail en lien avec une stimulation moins forte de l'économie pendant la pandémie et une mobilité plus faible de la main-d'œuvre, celle-ci permettant souvent aux salariés d'obtenir des hausses de salaires.
13. Cette forte hausse de l'inflation freine le rebond enclenché à l'issue des périodes de restrictions sanitaires, en réduisant le pouvoir d'achat des ménages et en entraînant un durcissement des conditions financières. La Fed a ainsi nettement relevé ses taux directeurs (hausse de 150 points de base du taux des Fed funds) et a commencé à réduire le montant des actifs qu'elle détient à son bilan. La BCE s'engage quant à elle plus lentement dans un processus de normalisation monétaire, avec un arrêt de ses achats nets d'actifs et une première hausse de taux directeurs, de 25 points de base, annoncés pour juillet. La révision à la hausse des anticipations d'inflation et l'accélération anticipée du calendrier de hausses de taux directeurs ont entraîné une vive progression des taux longs dans la plupart des pays. En zone euro, ceci s'est accompagné d'une réévaluation des primes de risque, avec un écartement des spreads des pays considérés comme plus risqués (le rendement des obligations souveraines italiennes à 10 ans a dépassé 4 % courant juin).


Graphique 2. - Rendement des obligations souveraines à 10 ans
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0161 du 13/07/2022, texte nº 177


Source : Banque de France.


14. La croissance mondiale attendue en 2022 a, dans ce contexte, été nettement révisée en baisse au cours du 1er...

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